L’action de Nomadland (basé sur le livre Nomadland: Surviving America in the Twenty-First Century de Jessica Bruder, paru en 2017) se déroule après la grande crise des subprimes de 2008. Depuis la fermeture de l’usine de gypse d’Empire, au Nevada, où Fern (Frances McDormand) travaillait, la ville est devenue fantomatique. Elle va alors choisir de se débrouiller en dehors d’un système qui semble ne plus pouvoir rien lui offrir.
Si certains spectateurs ont trouvé que le film, et son histoire, exposaient une ”philosophie naïve”, et si je reconnais moi même que ce n’est bien sûr pas du Ken Loach, la réalisatrice Chloé Zhao se garde bien, toutefois, de ne proposer qu’une vision idyllique, de cette traversée du continent, du Dakota du Sud jusqu’à la Californie.
Elle s’est intéressée à une Amérique désenchantée, à celle des laissés-pour-compte. Cependant, si certains ”nomades” sont partis vivre de la sorte en quête d’eux-mêmes, abandonnant le matérialisme de notre société, on peut noter aussi que la moyenne d’âge de ces ”nomades” est assez élevée. Il s’agit de retraités, pour beaucoup, qui n’ont, et après avoir travaillé pourtant des années, pas eu les moyens de conserver leur maison, voire de payer un loyer. Elle ne dépeint donc pas avec mièvrerie une vie qui ne serait faussement que ”paradisiaque”.
Pour certains, faire ce choix d’une vie aussi dépouillée de biens matériels ne peut être vraiment souhaitée tant ça dépasse leur entendement de trouver des avantages à ce type d’existence. Ils ne peuvent que ”subir” mais en aucun cas y trouver un quelconque épanouissement.
C’est hélas vrai qu’à notre époque où seule l’apparence de ce qu’on peut afficher compte, opter de vivre à contre courant en se séparant, au maximum, de tout ce qui est matériel n’est pas seulement singulier mais peut apparaître, pour plus d’un, carrément ”incompréhensible”.
Fern va reprendre goût à la vie avec une communauté de gens, comme elles, qui, bien qu'ayant tout perdu, vont lui prouver qu'on peut encore être heureux.
D'ailleurs, la fin de l’histoire nous montre une Fern qui décide de se séparer définitivement de tous ses souvenirs matériels (entreposés dans un garage/garde-meubles et qui "maintenaient" encore un ”lien” avec son ancienne vie) avouant à son ami qui, les récupérant, lui demande si elle veut vraiment s’en défaire : ”non je n’en ai plus besoin”.
Elle retrouve ainsi sa liberté pour entamer une nouvelle étape de sa vie. On voit Fern une dernière fois revenir dans les locaux de l'entreprise (laissée à l'abandon) où elle travaillait, avec son mari, et revenir aussi dans la maison qui fut la leur comme pour lui dire adieu et tourner la page définitivement de ce qui fut sa vie d’avant.
Avec ce final, je n'ai plus m'interdire de penser à la phrase de Louis Vigée ”Je suis riche des biens dont je sais me passer”.
Nomadland est à la fois un processus de deuil et une magnifique ode à la liberté, superbement photographiée et interprétée.
Frances McDormand, et David Strathairn, (dans un second rôle) sont les deux acteurs ”connus” car tout le reste du casting est composé de vrais nomades qui viennent y relater leur parcours et raconter leurs anecdotes. Notamment Bob Wells, jouant ici son propre rôle, connu pour sa chaîne YouTube, CheapRVLiving, où il vante les mérites de ce style de vie nomade (lui-même vivant dans un RV depuis 1995).