Oscar du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur actrice. Des récompenses méritées. L’interprétation, le sujet, la photo… tout sonne juste dans ce film à l’allure de documentaire. Durant moins de 2 h (un exploit pour les productions récentes US), au-delà de nous faire rentrer dans l’âme d’une femme forte (Frances McDormand, impeccable), Chloé Zhao nous fait rentrer dans l’âme d’un pays. Ou plutôt celle d’un pays méconnu, et de son peuple caché. L’Amérique des déclassés. Ici, aucun superhéros, aucuns effets spéciaux. Les Etats-Unis s’affichent comme ils sont. Brut, sauvage mais aussi compatissant, tendre. En un mot : réel. Comme la vie. Fern, la fougère fragile, affiche une volonté de fer. Elle plie, se tord, soulève des sacs de patate aussi haut qu’elle, mais rien ne semble pouvoir la briser. Il y a de la femme sioux chez elle. Une lointaine descendante de « Dressée avec le poing », la fille de pionnier, élevée par les Sioux, autre figure de femme forte, rencontrée par Dunbar (Kevin Costner) dans Dance avec les loups. Issu d’une révolution au 18ème siècle comme la France, les Etats-Unis se sont bâties sur la Liberté (La France se focalisant sur l’Egalité). Liberté, Liberté chérie. Fern est mariée à la Liberté. Elle en connaît le prix (les souffrances, la solitude, l’inconfort, le regard des autres...) et la richesse.
Et lorsque la vie lui présente un trésor sur un plateau : une vie plus douce, un vrai lit, une nouvelle famille… Elle repart, et va vite se frotter de nouveau aux éléments, au réel, à la nature sauvage
. Comme un rituel.
Dans Captain Fantastic, un autre film sur la liberté,
une famille trouvait aussi refuge dans la nature et dans la lecture. Mais la tribu rebelle finissait par accepter de troquer sa liberté contre un petit paradis permacole.
La caméra de Chloé Zhao filme les Etats-Unis au ras du macadam, du désert, de la nature, des cœurs. L’Amérique profonde se retrouve dans le désert, entre chevaux de labour réformés (workhorses, en anglais), cherchant un peu de réconfort. Rendez-vous temporaire mais éternel. Autour d’elle s’agitent les monstres mécaniques (chaîne d’emballage d’Amazon, machines agricoles...) d’une Amérique productiviste, comme aveuglée par sa propre puissance. Ironie de cette société matérialiste fonctionnant sur la sueur de ces milliers de working poors (femmes, personnes âgées…) qui ne voit plus depuis longtemps cette faune humaine qui s’agite à ses pieds. Les vrais gens ne se plaignent pas. Jamais. Quelques larmes apparaissent, vite rentrées. Puis ils reprennent la route. Un film intemporel sur la condition humaine. Magnifique.
See you there down the road.