Un film brouillon, parfois lent et soporifique, qui aurait pu être plus court (bien qu’il ne dure que 94 mn), avec des scènes trop longues ou sans intérêt ; son seul mérite est de dénoncer la situation politique au Soudan, avec beaucoup de finesse et d’humour. Le réalisateur n’aborde pas la situation du Soudan (alternance de démocratie et de dictature depuis l'indépendance) de façon frontale (aucune allusion à la guerre du Darfour ou de l’indépendance du Soudan du sud), à part l’évocation de la dernière élection d’Omar El-Béchir (avril 2015) avec 94,5 % des voix ; il parle de cinéma (« Le cinéma soudanais est un héros mort à cause des traitres ») à travers 4 réalisateurs sexagénaires (ayant fait leurs études et vécu à l’étranger, notamment en Union Soviétique et au Canada et dont les films étaient primés dans les années 1970’ et 1980’ dans les pays arabes), cinéphiles [ils citent Cecil B. De Mille, « La peau douce » (1964) de François Truffaut, « Le souper » (1992) d’Edouard Molinaro], fondateurs en 1989 du S.F.G. (« Sudanese Films Group ») : Ibrahim Shaddad, Suleiman Ibrahim, Manar Al-Hilo et Eltayeb Mahdi ; ils souhaitent restaurer un cinéma, « La Révolution » (sic), à Khartoum et y projeter « Django unchained » (2012) de Quentin Tarantino. Dans l’attente de l’autorisation administrative, ils projettent gracieusement, à la campagne (transport dans un Combi VW), en plein air, « Les temps modernes » (1936) de Charlie Chaplin ou un film mauritanien. Sont évoqués aussi les coupures d’électricité (pendant 4 jours, avec inscription sur une liste d’attente), les tracasseries administratives
(transmission du scénario du film avant sa projection, justification de son choix, signalement des scènes licencieuses, projection dans une salle pouvant accueillir au maximum 20 personnes, etc.)
de la Sécurité Nationale, digne descendante du système soviétique et inspirée par « Ubu Roi » (« Même parler des arbres était un crime » mentionne un réalisateur, d’où le titre), la proximité géographique du cinéma réhabilité avec 8 minarets
(d’où le commencement du film prévu après la prière), avec possibilité d’obturer l’objectif du projecteur en cas de scène de baiser
. Leur humour et détachement les empêchent de sombrer dans la dépression et le renoncement, s’estimant « plus intelligents que le régime mais qui est plus le fort ». Cela rappelle, avec les mêmes défauts, « Kabullywood » (2019) de Louis Meunier où 4 jeunes voulaient réhabiliter, après sa fermeture par les talibans, un cinéma à Kaboul. Un film typique de festival (6 récompenses déjà obtenues !) où le fond l’emporte sur la forme, négligée ou mal maitrisée.