"Les Harkis" raconte la vie de 1959 à 1962 de ces hommes algériens qui se sont engagés sous le drapeau français avec la promesse que jamais la France ne les abandonnerait. À travers l’histoire de Salah, de Kaddour et de Djilali qui rejoignent la harka placée sous les ordres du lieutenant Pascal, on comprend le quotidien de ces supplétifs chargés des basses oeuvres de l’armée française. Quand la rumeur des négociations menées par le Gouvernement français avec le FLM s’ébruite, leur inquiétude sur leur sort croît. Quand la victoire des fellaghas et l’indépendance se dessine, ils savent qu’aucun retour en arrière n’est pour eux possible. La seule issue est le départ en métropole avec leur famille. Mais la France a tôt fait d’oublier ses promesses et la détermination du seul lieutenant Pascal à les aider ne suffira pas.
Philippe Faucon est un réalisateur toulonnais qui a creusé depuis trente ans un sillon original dans le cinéma français. Son oeuvre peut se lire comme le portrait d’une France post-coloniale qui n’a jamais réussi à solder un passé qui ne passe pas. La guerre d’Algérie en constitue le point aveugle dont les repercussions continuent à travailler la communauté maghrébine installée en France et compliquent son intégration. Philippe Faucon a obtenu la consécration en 2015 avec le César du meilleur film pour "Fatima". Mais ce film, qui est resté un semi-échec au box-office, ne lui a pas pour autant apporté la célébrité.
Les Harkis a deux qualités éminentes. La première est de lever le voile sur un pan oublié de notre histoire. Contrairement à un raccourci souvent répété, la guerre d’Algérie n’est pas la grande absente du cinéma français. Plusieurs films, plusieurs documentaires, et non des moindres, lui ont été consacrés : "Le Petit Soldat" de Jean-Luc Godard, "Avoir vingt ans dans les Aurés" de René Vautier, "La Guerre sans nom" de Bertrand Tavernier, "Mon Colonel" de Laurent Herbiet… Philippe Faucon lui-même s’était déjà frotté au sujet en adaptant le bref récit de Claude Sales "La Trahison". Pour autant, la guerre d’Algérie n’a pas laissé dans le cinéma français l’empreinte dont celle du Vietnam a marqué Hollywood.
La seconde est la méticulosité quasi documentaire avec laquelle Les Harkis radioscopie une panoplie de situations humaines. À travers les destins de Salah, de Kaddour, de Djelali, c’est un échantillon très représentatif des profils de ces hommes et des motifs pour lesquels ils s’engageaient qui est passé en revue : attachement sincère à la France et à l’Algérie française, réaction au crime barbare d’un frère par les fellaghas, nécessité économique de nourrir sa famille…. Ce souci sociologique poussé trop loin finit d’ailleurs par donner au film le ton un peu trop appliqué d’un essai de sciences politiques.
Le principal défaut du film est sa brièveté : une heure et vingt-deux minutes seulement pour une fresque qui aurait pu constituer la matière d’une série à épisodes. Les personnages y sont trop brièvement dessinés sans qu’on parvienne clairement à les identifier et a fortiori à s’y attacher. Le film se termine brutalement et a besoin de longs cartons explicatifs pour se clore, une autre page de la vie des harkis s’ouvrant après 1962, en Algérie ou en France.
Mais "Les Harkis" a un autre défaut. Il démontre, s’il en était besoin, que la France a en Algérie auprès de ces hommes doublement trahi sa parole. Elle l’a trahie en leur faisant miroiter une victoire sur les indépendantistes dont ils auraient pu partager les dividendes. Elle l’a trahie en leur promettant de les protéger dans la défaite alors qu’elle n’avait jamais eu l’intention ni les moyens de tous les rapatrier en métropole avec leurs familles.
La faute ne fait pas de doute. Mais, à elle seule, aussi grave soit-elle, elle peine à constituer le ressort dramatique de tout un film.