GénéRRRosité folle ! On était prévenu, et pourtant, on n'était pas prêt. RRR, le blockbuster indien le plus cher de tous les temps (l'équivalent de 70 millions de dollars, autant dire le tiers d'un Marvel milieu de gamme) a déferlé sur nous avec sa vague de générosité hallucinante, dépassant gentiment, avec une bonhommie folle, avec notre faveur (et ferveur) absolue, les plus grandes écuries du cinéma d'action. Générosité visuelle, premièrement, puisque vous n'aurez jamais vu des scènes d'action aussi démesurées, tape-à-l’œil, qui ne veulent qu'une seule chose : vous ouvrir grands les yeux, et la bouche. Et c'est plus que réussi, on ne voit pas les 3h10 filer, trop captivé par tout ce que le film nous propose... Vous voulez une amitié fusionnelle entre Tarzan et Freddie Mercury, une danse (le Naatu Naatu) dont on ne se remet pas (même au centième visionnage de l'extrait : l'Oscar est tellement mérité), des tigres, des trains qui déraillent, des explosions, des sauvetages de l'extrême, des motos, des chevaux, des feux d'artifice, des voitures qui volent dans tous les sens, des combats qui enchaînent les acrobaties déjantées... Vous l'avez, puissance mille. Générosité de scénario, secondement, puisque RRR est loin du film bourrin sans cervelle, en mettant le holà dès le départ : voici une critique ardente du colonialisme, des peuples opprimés, des enfants maltraités et tués, de l'imbécilité qui régit celui qui lève la main sur son prochain plutôt que de la lui tendre. Et tendre, bon sang, RRR l'est. Avec son amitié à toutes épreuves (toutes ? Vous le verrez...), on ne peut faire autrement que de s'attacher à cet adorable binôme de "frangins de cœur" que tout oppose, et que pourtant tout rassemble. Un mot sur le cœur battant de RRR : ses deux vedettes, puisque N. T. Rama Rao excelle à nous faire fondre pour la maladresse de son héros innocent, et Ram Charan nous donne chaud, sans besoin d'être en Inde (osez dire qu'il est vilain, on ne vous croit pas). Les intrigues de chacun nous passionnent, la révélation sur le passé d'un personnage (on ne spoile pas) qui change tout à la donne est une finesse d'écriture qu'on n'attendait pas dans un "blockbuster". On se demande si RRR n'était pas exactement ce qu'il nous fallait pour nous rappeler qu'un blockbuster d'action peut être intelligent malgré des scènes d'action assumées (oui, invraisemblables : et alors ? On s'en prend tellement dans les mirettes, qu'on s'en fiche de savoir si telle voiture peut voler aussi loin), peut écorcher à vif la méchanceté humaine, au profit de l'entraide sincère (on a fondu), peut nous faire adorer ses personnages, peut nous faire arrêter de respirer le temps d'une battle de danse comme on n'en a jamais vue, peut nous faire réécouter sa délicieuse BO intégrale (des chansons douces lancinantes au tube électrisant Naatu Naatu), peut nous tendre la main comme si on se connaissait depuis toujours.