L'un des chefs-d'ouvre absolu du cinéma, tout simplement. Coppola transpose le roman de Conrad au coeur de la guerre du Vietnam. Le scénario est assez simple, pendant la guerre, les services secrets militaires américains confient au capitaine Willard (Martin Sheen) la mission de retrouver et d'exécuter le colonel Kurtz (Marlon Brando), dont les méthodes sont jugées « malsaines ». Celui-ci, établi au-delà de la frontière avec le Cambodge, a pris la tête d'un groupe de mercenaires et mène des opérations contre l'ennemi avec une sauvagerie terrifiante.
Au moyen d'un patrouilleur et de son équipage mis à sa disposition, Willard doit remonter le fleuve jusqu'au plus profond de la jungle pour éliminer l'officier. Au cours de ce voyage, il découvre, en étudiant le dossier de Kurtz, un homme au parcours et au caractère exemplaires. Il commence par être fasciné par ce personnage qu'il doit pourtant tuer. A l'instar de Kurtz, Willard sait que cette guerre ne pourra pas être gagné par un contingents de gamins yankees, à moitié paumés, dont la plupart sont noirs et vivent dans un pays qui tarde à adopter les lois civiques alors que les Vietnamiens combattent pour leur Nation. Une sorte de filiation s'opère intellectuellement entre Willard et Kurtz à mesure que le patrouilleur s'enfonce dans la jungle et se rapproche de l'officier. C'est aussi grâce à Brando que ce film est passé à la postérité. Arrivé sur le tournage en grand surpoids, loin de la vison du militaire affuté que voyait Coppola, Brando oblige le réalisateur à le filmer différemment pour cacher sa corpulence. Toutes ces scènes filmées en contre-plongée et clair-obscur, associées à la voix envoutante de Brando, donnent au film ses lettres de noblesses. Tous les chefs-d'oeuvre ont leur légende. Ce film n'a failli jamais voir le jour. Coppola a engagé sa fortune personnelle, Martin Sheen a manqué d'y laissé la vie et le film a bien failli être complètement abandonné lorsque la police mexicaine et la production découvrent que la société chargée des décors utilise de véritables cadavres volés dans des sépultures, pour décorer le camp des rebelles de Kurtz. Un grand moment de cinéma avec des scènes devenues légendaires comme la charge de la cavalerie aéroportée sur la "Chevauchée des Walkyries" de Wagner, le ride de surf devant le village en flammes, un show de playmates qui se termine par un crash au fin fond de la jungle, la halte dans la plantation tenue par des irréductibles colons français qui subsistent malgré tout à l'aide de la consommation d'opium. (Il est à noter que le rôle tenu par Christian Marquand avait d'abord été proposé à Lino Ventura dont Coppola était un admirateur absolu), un Denis Hopper aussi fou que dans Easy Rider, Apocalypse now est un film dont on ne ressort pas indemne.