Regarder "Chained" ou "Beloved" dans un sens ou un autre est proprement fascinant. Fascinant car le réalisateur précise que les trois opus qui composent sa variation sur l'amour se passe concomitamment. Si, pour le second film, on suit plutôt Avigail, pour celui-là, on suit Rashi, son mari. Deux vérités s'opposent et se complètent. On perçoit la complexité de ce personnage masculin tout autant excessif, radical, que sincère dans son combat pour une meilleure éducation de sa belle-fille et un amour exclusif avec son épouse. Il est flic et est dans son job, ce qu'il est dans la vie : honnête, extrême, et droit dans ses bottes.
Rashi est un personnage tragique. La force du film demeure dans le fait qu'on parvient à s'attacher à lui, bien qu'il soit toujours sur le fil, prêt à sombrer dans la violence ou la pulsion. Sa douleur est profonde, et le réalisateur se contente de le montrer lever les yeux au ciel et souffler, alors que sa détresse s'aggrave au fur et à mesure que le récit avance. Avigail apparaît comme une mère laxiste, évanescente et on perçoit que cette représentation est la manifestation du regard de son mari. Il y a cette adolescente, au milieu des deux, touchante de désespoir et de colère.
"Chained" constitue un véritable coup de poing dans une société contemporaine israélienne où les repères et l'autorité s'étiolent. La critique du cinéaste ne faillit d'aucune concession. Les choses sont dures, directes, qu'il s'agisse des pères, des policiers, des jeunes ou des mères, comme si la société se résumait à un système de manipulation et de trahison. On ressort de cette histoire épuisé par la douleur, et sans doute renforcé dans notre pessimisme.