La réalisatrice Naruna Kaplan de Macedo est née à Paris d’une mère américaine et d’un père brésilien. Elle étudie le cinéma à la London International Film School (LIFS). Avec Kobayashi Films, elle réalise La Casa puis Homen ao Mar, deux courts-métrages qui suivent Marcio, un personnage interprété par Marcelo Melo, entre maisons bourgeoises et favelas cariocas. En 2005, Naruna s’installe à Tel-Aviv. Elle y tourne Depuis Tel-Aviv, produit par Les Films d’Ici, un film sur le conflit à partir du quotidien dans la ville. Elle tient pour le journal en ligne mediapart.fr un blog du même nom dont les billets hebdomadaires sont largement suivis.
De retour en France, Naruna travaille avec Leitmotiv Production pour trois documentaires, Cité-Hôpital, 24 heures de la vie d’une gare, et Mon Week-end au Centre Commercial en coproduction avec France Télévision. Sortis sous forme de trilogie DVD en Février 2016. Par ailleurs, Naruna a travaillé sur des formats documentaires courts pour la télévision, notamment avec les Films d’Ici Méditerranée. Depuis la naissance de leurs fils Atlas et Zeev, Naruna et Olivier Saint-Hilaire ont un projet commun de Lettres à Zeev et Atlas, où ils s’adressent à leurs fils dans des courts films sur des sujets intimes ou sociétaux.
La cinéaste Naruna Kaplan de Macedo est une abonnée de la première heure au journal Mediapart, faisant partie des soutiens au lancement du journal. La rédaction avait fait un appel à ses lecteurs, demandant une participation active aux «blogs», notamment pour ceux qui vivaient à l’étranger. "J’ai commencé mon blog, Depuis Tel-Aviv, dès la première édition du journal. Blog qui a alimenté un film du même nom... le premier avec Les Films d’Ici et Serge Lalou. Je ne connaissais pas la rédaction, mais les journalistes de Mediapart ont cela de particulier qu’ils commentent beaucoup sur les écrits de leurs lecteurs. Je me suis donc retrouvée dès 2008 en conversation virtuelle avec un certain nombre d’entre eux, Edwy Plenel entre autres. Mediapart est devenu mon journal au fil des années. Une référence intellectuelle, partagée par beaucoup de ma génération."
Poser ses caméras au sein de la rédaction d'un journal n'est chose nouvelle et pourrait faire partie d'un genre à part entière. Par exemple, on peut citer le film de Jeuland, Les gens du Monde, mais aussi Contre-Pouvoirs de Malek Bensmaïl ou plus récemment le film de Liz Garbus juste après l’élection de Trump. "Une rédaction de journal est cinématographique : c’est un lieu où le temps est présent dans chaque geste, où le suspense est inhérent. La particularité de Mediapart est qu’il est un «pure player», strictement internet. Nous avons donc dû inventer des équivalents visuels aux rotatives et à ces plans iconiques des journaux sortis par paquets, encre encore humide, déversant des scoops sur la ville", explique la réalisatrice Naruna Kaplan de Macedo.
Une réadaction est un endroit particulier, un open space géant, sans cloisons pour séparer les différents bureaux. Tout le monde travaille avec tout le monde, et souvent l’urgence y est palpable. Même si le temps du journal internet est libéré de l’horaire de l’imprimerie, il y a une tension constante : papier à finir, coup de fil à ne pas manquer, rendez-vous plus ou moins secret à honorer... "De fait, j’ai fini par faire le film techniquement seule, ou exclusivement accompagnée d’un preneur de son. Cela permettait une légèreté nécessaire au lieu. J’ai mis la caméra sur pied parce qu’au sein de la rédaction il me semblait important de poser les cadres, quitte à ce que les personnages s’y promènent, quitte à les perdre pour les retrouver ensuite", confie la cinéaste Naruna Kaplan de Macedo.
Le début du tournage coïncide avec l’affaire Baupin, en avril 2016. Droit derrière il y a Nuit Debout, le mouvement contre la loi Travail, la montée du FN, les violences policières, la crise des réfugiés. Et puis, le Brexit, Trump, les crises climatiques, les affaires... "C’était étourdissant", se souvient Naruna Kaplan de Macedo. "Toutes ces actualités. Et je me souviens d’avoir été obligée de m’interroger très vite sur comment filmer sans juste «suivre» tout le flot forcément ininterrompu d’événements, tous aussi denses et passionnants les uns que les autres. D’autant que les journalistes sont toutes et tous véritablement passionnés par ce qu’ils suivent, ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent. Je ne pouvais donc pas m’appuyer seulement sur leurs impressions. J’étais obligée de faire des choix, de suivre celles et ceux qui m’attiraient à la caméra. Et c’est là où j’ai pris la décision de suivre plus particulièrement la campagne électorale, tout en laissant la place aux affaires, spécificité du journal oblige. J’avais ainsi la certitude d’avoir un cadre narratif qui m’autoriserait des digressions !"