À la demande du Nature Conservation Project en Macédoine, financé par l’Agence Suisse pour le Développement et la Coopération, Samir Ljuma et Tamara Kotevska se sont lancés dans la création d'une vidéo environnementale. C'est en cherchant des anciens apiculteurs traditionnels que les réalisateurs ont rencontré Hatidze et sa mère Nazife.
Honeyland a pour cadre une région hors du temps qui n’existe pas sur les cartes et qui n’est pas accessible par les routes habituelles, bien qu'elle ne soit qu’à 20 km de la grande ville la plus proche. Il n'y a ni eau ni végétation, rendant l'endroit inhabitable pour la plupart des gens. L'équipe du film ne pouvait pas y rester plus de cinq jours à la suite et n'avait pas d'endroit où dormir et se doucher. Samir Ljuma se souvient : « Là-bas, les puces aimaient beaucoup Tamara [Kotevska]...et nous n’avions aucune protection contre les abeilles non plus, parce que nous n’avions pas réalisé à quel point cela pouvait être dangereux ».
Les familles de la région parlent un ancien dialecte local turc, que ne comprend pas l'équipe du film. Par conséquent, le film repose plus sur la narration visuelle que sur les dialogues : « on appréhende les personnages au travers de leur langage corporel, de leurs relations et de leurs émotions. Cette communication visuelle et viscérale permet au spectateur de se sentir plus proche des personnages et, surtout, plus proche de la nature », expliquent les réalisateurs. Ne pas comprendre la langue d'Hatidze et Nazife leur a cependant parfois facilité les choses car cela leur a permis d'instaurer une distance, notamment lorsqu'il s'agissait de filmer l'intimité des deux femmes et leurs disputes. Tamara Kotevska confie : « En tant qu’étrangère, je me sentais comme une intruse chez elles. À certains moments, on se sent honteux, on ne sait pas si on a le droit d’assister à leur dispute familiale. Mais on continue à filmer ».
À l'issue de trois ans de tournage, 400 heures de rushes se sont accumulées. Le montage a commencé alors que le tournage n'était pas terminé, afin de déterminer ce qui manquait. « Nous avons toujours su clairement le traitement dramatique que nous souhaitions adopter. Depuis le début, nous voulions raconter l’histoire d’Hatidze ; mais lorsque la famille d’Hussein est arrivée, le récit s’est davantage porté sur leur conflit, et sur la façon dont cela affectait l’équilibre de ces terres », explique Tamara Kotevska.