Waouh ! Si vous êtes encore un peu dubitatif sur la capacité de la nouvelle version de "The Twilight Zone" à raviver les émotions provoquées par le puissance de narration de la série originelle, on vous conseille fortement de faire un détour par "The Vast of Night" !
Ce premier film inattendu d'Andrew Patterson ne vous invite pas seulement à être le spectateur d'une énième histoire inspirée de l'oeuvre de Rod Serling, non, il vous fait (littéralement) traverser l'écran dès ses premières secondes pour vous placer abruptement dans l'effervence des déambulations de ses personnages au coeur d'une petite ville américaine typique de la fin des 50's. L'immersion est aussi instantanée qu'irrésistible, "The Vast of Night" nous donne véritablement le sentiment de pénétrer dans un épisode de la Quatrième Dimension qui aurait soudainement fait fi des contours de l'écran pour absorber son audience et donner vie à ses décors en l'émancipant de leurs barrières télévisuelles figées.
Pas le temps de reprendre notre souffle donc, nous voilà à Cayuga, au Nouveau Mexique, dans le brouhaha d'une population se préparant à assister à un grand événement sportif du lycée. Nous suivons (encore une fois littéralement) deux lycéens aux discussions enflammées dans les coulisses de l'événement : Everett, animateur de radio local, et Fay, une standardiste éprise d'admiration pour le jeune homme. Déjà, par les jobs axés sur les moyens de communiquer de ces deux étudiants, la verve de beau parleur d'Everett, les questions incessantes de Fay, leur conversation autour d'articles de presse imaginant les technologies du futur et, plus globalement, par toute cette première partie axée sur leurs échanges, Andrew Patterson esquisse en toile de fond le leitmotiv et la force de narration que "The Vast of Night" va choisir de ne plus quitter : le pouvoir de suggestion des mots.
À contre-courant de notre époque où tout passe par les images, Patterson va nous rappeler à quel point ce sont en réalité les mots d'autrui qui font fonctionner notre imaginaire à plein régime, et ce quels que soient les moyens pour les transmettre. Comme un symbole, ce sera d'abord l'écoute d'un mystérieux signal sur les antennes de la ville qui va faire basculer le film dans l'étrange et décupler l'ambiance de mystère enveloppant cette histoire. Certes, sur le fond, on pourrait dire que "The Vast of Night" ne propose pas une intrigue SF des plus originales mais, en la faisant vivre la plupart du temps uniquement par les paroles de différents intervenants présents physiquement ou non, elle acquiert une toute autre portée, diablement prenante, qu'il n'aurait sans doute jamais été possible d'atteindre par l'intermédiaire de flashbacks démonstratifs ou autres.
À l'instar des deux protagonistes, on se surprend à courir dans tous les sens après chaque nouvelle information susceptible de lever encore un peu plus le voile sur le phénomène dont est victime la ville, à être suspendu aux lèvres de chaque nouveau témoin qui apporte sa pierre à l'édifice par sa propre expérience... Toutes leurs paroles sont évidemment dirigées vers la compréhension du mystère mais, de façon sous-jacente, elles traduisent également le mal-être perceptible de ceux qui les prononcent dans le climat de la société US des années 50 où la différence est synonyme de rejet pour une majorité conformiste intransigeante.
Le talent de conteur des auteurs du long-métrage que l'on découvre par ce parti pris et par l'entremise de ses personnages est donc tout bonnement sidérant ! Pour autant, il ne faut pas oublier de souligner la qualité de la mise en scène d'Andrew Patterson qui amplifie encore un peu plus l'attraction hypnotique des mots à chaque instant. Le budget a beau être microscopique (le (le film a été tourné en à peine 3-4 semaines grâce à l'autofinancement de son réalisateur), cela n'empêche aucunement Andrew Patterson de délivrer de vrais tours de force derrière la caméra : de l'immersion incroyable des premiers instants à la tension engendrée par les témoignages en passant par l'urgence de l'enquête dirigée par la passion des jeunes héros (un plan-séquence impressionnant traversera carrément toute la ville à ras du sol), le soin apporté à la forme n'entache nullement la mise en valeur du verbe, il la supporte au contraire magnifiquement, toujours avec le souci et la méticulosité de jouer avec la force de l'étreinte que le film a d'ores et déjà refermé sur le spectateur (on assiste même à des mises en abîme où l'on se retrouve de temps à autre rejeté de l'écran pour ensuite le réintégrer). Et, lorsque viendra le temps de privilégier les images à la parole, notre fascination s'en retrouvera décuplée dans un parfait feu d'artifice final venant à la rencontre de notre imagination si souvent sollicitée.
Exercice de style brillant, hommage ayant tout compris à l'esprit de "The Twilight Zone" ou film de SF rétro mené de main de maître, "The Vast of Night" est un peu tout ça à la fois mais il est surtout le premier long-métrage d'un auteur incontestablement talentueux dont on rêve déjà de découvrir la suite du parcours...