C'est en raison de la nationalité de ses parents, immigrés algériens débarqués à Marseille en 1963, que Abdel Raouf Dafri a voulu faire un film centré sur la thématique de la guerre d'Algérie. Il confie : "Je suis entré dans le monde du cinéma avec pour principal objectif de parler un jour de la guerre d’Algérie. La colonisation de ce pays et ce qui en a découlé en termes de tragédies humaines est un matériau duquel on peut extraire une multitude d’histoires passionnantes et fracassantes, tout en interrogeant à la fois la mémoire et la conscience des Algériens et des Français. De grands cinéastes américains comme Francis Ford Coppola, Michael Cimino et Oliver Stone - qui a fait la guerre du Vietnam pour de vrai - ont réalisé des chefs-d’œuvre sur le désastre que fut la guerre du Vietnam pour l’Amérique."
Qu'un sang impur... traite aussi du thème de l'identité française. Abdel Raouf Dafri développe : "Je me suis rendu compte que les gens qui s’interrogeaient sur l’identité française, sont ceux qui ont un vrai problème avec leur identité. Moi, je suis Français. Je suis né Français, j’ai grandi avec Victor Hugo, Balzac, Alexandre Dumas, ainsi que Frédéric Dard ! Je me suis instruit avec l’Histoire de France et éclaté avec le cinéma français : Louis de Funès, Bourvil, Belmondo, Signoret, Ventura, Delon, Schneider, Girardot, Noiret... Je suis heureux d’être Français, donc je raconte l’Histoire de mon pays qui se trouve, en ce début de 21ème siècle, traversé par des questionnements sur son identité, sa souveraineté et ses frontières. Ceux qui s’emparent de la question de l’identité sont, hélas, majoritairement, des sournois racistes persuadés qu’être Français, c’est forcément être catholique et blanc de peau."
Via Qu'un sang impur..., Abdel Raouf Dafri a voulu raconter une histoire humaine par le biais du spectaculaire. Le cinéaste a cherché à dépeindre des individus issus d’ethnies différentes dont le seul point commun est une nation : la France. Pour ce, il s'est principalement basé sur les livres : "Les témoignages écrits par des appelés, des militaires et aussi des tortionnaires comme Aussaresses, Massu, ainsi que les ouvrages d’historiens illustres tels que Pierre Vidal-Nacquet, Benjamin Stora ou Germaine Tillon. Mais c’est surtout le point de vue des officiers qui avaient fait la guerre qui m’intéressait. J’ai parcouru les écrits d’Alexis de Tocqueville, une ordure absolue qui, dès 1841, justifie les pires horreurs faites par la France en Algérie."
Qu'un sang impur... est le premier film réalisé par Abdel Raouf Dafri, scénariste connu pour son travail brillant sur les deux Mesrine, Un prophète et la série Braquo. Il explique au sujet de cette première expérience derrière la caméra : "Ma seule et grande appréhension, c’était la technique. Tous ceux qui font un premier film ont cette peur-là. Mais je savais ce que je voulais mettre dans le cadre, grâce à mon partenaire Michel Amathieu qui est un grand chef opérateur. Je savais ce que je voulais en termes d’image, de photographie et de colorimétrie. Et s’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que l’essentiel est d’avoir un putain de scénario ! Si vous l’accompagnez d’une vraie vision de mise en scène, vous avez de grandes chances de faire un très bon film."
A noter la présence de Steve Tientcheu, qui a récemment incarné le très marquant personnage du Maire dans le film choc sur la banlieue Les Misérables. La thématique de la guerre ne lui est d'ailleurs pas inconnue puisqu'il était à l'affiche de Ni le ciel ni la terre en 2015.
Qu'un sang impur... se déroule à partir de 1960, soit un an après le plan de Challe, un contexte particulier selon l'historien Pascal Blanchard : "Pour comprendre le plan Challe, il faut remonter en 1958, année où la guerre d’Algérie atteint son point d’acmé. Cette situation inextricable amène l’arrivée au pouvoir du Général de Gaulle qui a triple logique : primo, l’Algérie est définitivement perdue pour la France, deuxio, c’est la fin de l’Empire français et tertio, De Gaulle va quand même essayer de « sauver les meubles » en trouvant un accord avec les membres politiques du FLN... que ces derniers refusent pour l’instant. C’est dans ce contexte que le plan Challe arrive, avec pour but de négocier avec le FLN tout en gardant l'État français en position de force. Pourquoi ? Parce que la France a des intérêts énormes à sauvegarder en Algérie : continuer à disposer du pétrole et surtout, procéder à des essais nucléaires dans le Sahara."
Abdel Raouf Dafri n'a pas façonné ses personnages de manière manichéenne compte tenu du fait que les deux camps qui s'opposaient durant la guerre d’Algérie usaient chacun de méthodes horribles. "L’armée française a usé de tortures, de viols, de déportation des populations et d’arrestations arbitraires pour contraindre le peuple algérien à choisir son camp. En face, le FLN a massacré, racketté et terrorisé les villageois et le peuple algérien pour le rallier de force... Sérieusement, où sont le bien et le mal là-dedans ? Si le combat pour l’indépendance était noble et juste, les méthodes du FLN étaient indignes. Partant de ce constat de pure barbarie, pas question pour moi de choisir un camp. Ce qui ne veut pas dire que j’ai joué la carte de l’impartialité, bien au contraire. Mon film montre avec justesse et vérité ce qu’étaient les comportements des rebelles algériens et des soldats français pendant cette guerre", précise-t-il.