Grémillon signe avec Remorques un de ses films les plus connus. Bon, un métrage pas forcément mauvais, mais qui peine aussi à enthousiasmer.
C’est clair que sur la forme, c’est pas mal fichu. Grémillon utilise un noir et blanc vaporeux d’un bel effet, qui rend bien l’atmosphère des bords de mer finistériens. Il y a de belles séquences d’ailleurs grâce à une utilisation intelligente du cadre et de la mer. Le film est plutôt esthétique, et s’il y a certaines limites, notamment dans les scènes plus ambitieuses du fait d’un budget que l’on imagine un peu léger, surtout à l’époque, pour autant Remorques dénote, malgré ses limites, un talent de réalisateur certain. L’ambiance est là, et des passages sont forts avec peu, notamment lors de la fameuse dispute. La bande son est soignée aussi, pour le coup, elle apporte un vrai plus, et dans un film de cette période, moment où la musique est souvent mésestimé comme élément essentiel du propos, c’est une bonne chose.
Le casting est bon sur le papier, bien plus inégal dans les faits. Si Michèle Morgan est à la hauteur et campe son personnage avec une force évidente, vivant vraiment ses dialogues, en revanche Jean Gabin n’est pas au niveau. Les dialogues sont trop écrits pour son personnage, et l’acteur, s’il est à la hauteur en capitaine de remorqueurs, est franchement mal à l’aise dans les scènes plus « sentimentales ». C’est particulièrement vrai lors de l’événement majeur de la fin, où il n’est pas crédible. Une prestation bien molle donc. Madeleine Renaud est correcte, mais elle ne retient pas non plus beaucoup l’attention, avec une prestation un peu trop théâtrale.
Le scénario a un souci majeur : il est beaucoup trop brusque. Grémillon ne prend pas son temps, le film dure à peine 80 minutes, et c’est beaucoup trop peu pour ce qu’il développe. La romance entre Gabin et Morgan va à la va vite, les ellipses sont trop importantes, les éléments sont souvent amenés de façon rapide, soudaine, de façon presque déconnectée ou mathématique (la maladie de Renaud). Cette histoire n’a pas grand-chose d’emballant, l’amour, le drame, la rencontre, tout cela paraissant trop expédié. Remorques ne témoigne d’ailleurs pas d’un grand sens de la transition, et c’est d’une narration très saccadée. Alors certes on ne s’ennuie pas, mais au prix d’un film qui parait presque inachevé, tant on a l’impression que des jonctions manquent.
En clair, un bon film sur le plan formel, mais qui sur le fond, et même au niveau de ses acteurs a des loupés sensibles. Porté heureusement par une excellente Michèle Morgan, Remorques reste sans doute l’un des plus connus mais aussi, curieusement, un des plus mineurs films de Grémillon. 2.5