SORTIE DVD/BLUE RAY : « UNE SIRÈNE À PARIS », UN CHANT D’AMOUR POÉTIQUE QUI RÉSONNE AUSSI COMME UNE VIEILLE RENGAINE !
Le film « Une sirène à Paris », du réalisateur français Mathias Malzieu, dont la sortie en salles avait été le 11 mars 2020, mais qui, à cause de la fermeture des salles de cinéma, dans le cadre du confinement dû à la pandémie de covid-19, n’a pas eu le temps d’être exploité suffisamment au cinéma et est, du coup, ressorti au premier jour de réouverture des salles obscures, sort, ce jour, en DVD et blue ray.
Ne vous l’ayant pas présenté, ni lors de sa sortie effective, ni le 22 juin dernier, nous profitons de l’occasion qui se présente pour vous en parler aujourd’hui.
SYNOPSIS
Crooner au cœur brisé, Gaspard s’était juré de ne plus retomber amoureux. Quant à Lula, jolie sirène, elle n’a que le chant pour se défendre des hommes, en faisant s’emballer leur cœur jusqu’à l’explosion. Lorsque la Seine en crue vient déposer Lula au pied du Flowerburger, la péniche-cabaret où chante Gaspard, c’est un mini-tsunami qui va bouleverser leur existence. Lui, l’homme qui a souffert d’avoir trop aimé, et elle, la créature qui n’a jamais connu l’amour, vont apprendre à se connaître. Et à chanter d’une même voix…
Avec une sortie le 11 mars 2020, mais de très courte durée pour cause de fermeture des cinéma, dans le cadre du confinement qu’à connu la France, de mi-mars à mi-mai, à cause de la pandémie du covid-19, et resorti le 22 juin 2020, parmi le petit nombre de films disponibles dans les salles obscures pour leur réouverture, le film de Mathias Mahzieu « Une sirène à Paris », sort « enfin », en DVD et blue ray, aujourd’hui, mardi 15 septembre 2020, soit après un report de 13 jours par rapport à la première date indiquée.
Une fois encore Mathias Malzieu nous emmène dans son univers poético-onirique, comme il avait si bien réussi à le faire avec son précédent film « Jack et la mécanique du cœur », qui était une adaptation de son propre roman éponyme. Mais, si encore cette fois, l’écrivain nous propose la retranscription d’un de ses romans – celui sorti l’année dernière (2019) aux éditions Albin Michel -, dans une version cinéma, l’enchantement est très nettement moins grand pour cette « Sirène à Paris ».
Pourtant, « Une sirène à Paris » a, (presque) absolument, tous les ingrédients pour nous émerveiller autant que « Jack et la mécanique du cœur »…à l’exception d’un en particulier, qui est, en plus, le plus essentiel, à savoir : l’originalité du sujet !
Une histoire d’amour non déclarée verbalement et sensée être impossible, entre un homme qui, profondément blessé par la perte de son dernier amour en date, est devenu insensible au chant d’amour d’une sirène qui, de son côté ne veut pas qu’il meure à cause d’elle, comme il est obligé d’advenir pour tous les hommes qui croisent son chemin, mais dont on comprend très très vite qu’elle se bat et s’interdit d’en tomber, elle-même, amoureuse ; Une telle histoire, donc, c’est « bien joli »…mais que c’est banal de par la quantité d’histoires de cette sorte déjà racontée et qui finit par sortir par les yeux, tant on en a plus rien à espérer d’inattendu, où il suffit juste d’un peu de « pratique de la logique scénaristique » pour voir tout venir, même plusieurs minutes à l’avance, et dont l’un des pires ennemis à sa capacité de surprendre est sa bande-annonce qui nous raconte, en deux minutes, déjà tout ce qu’il se passe d’essentiel en 1h42 de film !
Même en mettant de côté l’idéalisation de l’amour comme bonheur absolu et nécessaire, ainsi que le fait que, en ce qui nous concerne, nous nous échinons à expliquer que l’amour n’est rien d’autre que le pire esclavage – car la plus puissante drogue existante au monde – et que, de ce fait, l’amour est tout ce qu’il y a de plus surfait au monde (ce qui nous met dans la même situation initiale que le héros du film), « Une sirène à Paris » a quelques trop gros défauts.
Tout d’abord, Mathias Malzieu semble ne nous servir qu’un dérivé de « Jack et la mécanique du cœur » – même bien plus que de sembler en être qu’une suite.
Comme dans son premier long métrage, le réalisateur nous parle d’un « enfant qui n’a pas le droit d’aimer sous peine de mourir ». Car, Gaspard – le « héros » de « Une sirène à Paris » -, n’est vraiment qu’un gamin dans le corps d’un quarantenaire ! Ne se déplaçant qu’en « rollers » (ce qui n’est plus à la mode depuis déjà bien longtemps), vivant dans un appartement surchargé de jouets (y compris pour les bains des tout petits), de figurines en tout genre, d’un livre d’images de type « pop up »…et jusqu’à une mini télé pour gosse qui connecte à son…magnétoscope, ce «faux adulte » a un caractère, une personnalité totalement immature ! D’ailleurs, sa conception de l’amour – qui n’est, en réalité que de « l’amour du sentiment amoureux », tombant sans cesse « profondément amoureux », même le temps d’une histoire de quelques jours – est bien celle d’un « non-adulte qui s’accroche à ses « petites joies d’enfants », avec ses « joujous » et même la technologie de cette époque, devenue obsolète – et de l’imaginaire qui va avec – qui sera toujours un imaginaire sans génie, comme ne l’est que celui de tout enfant.
Comme dans « Jack et la mécanique du cœur », Mathias Malzieu nous ressert même le fait que cet enfant tombe amoureux d’une chanteuse ! Ici, c’est une « chanteuse par obligation », puisqu’il s’agit d’une sirène, mais le résultat est le même !
Autres points communs entre les deux films du réalisateur. Tout d’abord, le film d’animation (« Jack et la mécanique du cœur » était un film d’animation à cent pour cent et, dans « Une sirène à Paris », ce sont les génériques du film – début et fin…plus un des « effets spéciaux » – qui sont du cinéma d’animation). Mais, pour le coup, cela apporte une bonne partie de la poésie que l’on trouve dans « Une sirène à Paris »…car, oui, il y en a tout de même… Autre point commun entre les deux films de Mathias Malzieu…son premier film, ni plus ni moins ! En effet, à un moment de « Une sirène à Paris », il passe, pour occuper sa naïade, le film « Jack et la mécanique du cœur », dont des passages nous sont, tout autant mis devant les yeux, « plein écran » ! Pour qui ne connais pas ce premier film de Mathias Malzieu, bien sûr, ça passe très bien, mais, pour qui connais déjà ledit film (comme c’est notre cas), cela donne un sentiment de « coup de promo gratuite, et ce dans tous les sens du terme !
Tout ce dont nous avons parlé jusqu’à présent constitue les grands reproches que nous faisons à ce nouveau film de Mathias Malzieu. Mais, comme nous l’avons indiqué, avant de passer en revue tous ces éléments négatifs, « Une sirène à Paris », a, pourtant, presque tout pour être un vrai bon film !
En tout premier lieu, nous citerons l’extraordinaire photographie (le travail de lumières du film), de Virginie Saint Martin, la directrice de la photographie. C’est par l’excellence de la photographie que ce film arrive à donner, principalement, sa poésie, par les atmosphères qu’il crée, nous conduisant, pour le coup, véritablement, dans un univers féerique, « sortant des espaces de lumière » que le monde réel ne peut offrir – même le fait qu’il y ai une sirène dans un monde tout ce qu’il y a de plus concret ne contribue pas autant à la féerie du film !
Ajoutons à cela la justesse des interprètes (il faut dire que l’équipe artistique est, pour ses rôles principaux, de haute volée ! Entre Nicolas Duvauchelle – à la filmographie impressionnante et si fournie – qui interprète le rôle de Gaspard (le héros), Romane Bohringer, sorte d’antinomie du héros -, Tchéky Karyo dans l’exercice difficile du personnage secondaire interprété par un acteur au talent tant reconnu devant, néanmoins, « servir » l’interprète principal, et l’unique Rossy de Palma qui est, pour nous, celle qui apporte le véritable plus, à ce film, tant elle irradie de son génie. Et puis, en plus de cela, il y a, bien sûr, l’interprète de Lula, la « fameuse » sirène, qui est Marylin Lima, actrice que l’on peut dire prometteuse, tant elle arrive si bien à permettre de comprendre les pensées et, surtout, les sentiments de son personnage, alors qu’elle passe tant de temps dans l’eau – et, particulièrement dans des baignoires, devant, de ce fait, jouer principalement avec le haut de son corps – d’autant qu’elle n’a vraiment que le minimum du minimum de texte durant toute la première moitié du film.
Nous pourrions aussi ajoutez le talent du réalisateur – car, si l’auteur nous a déçu par le contenu de l’histoire, Mathias Malzieu sait donner de la magie à son film, par un « je ne sais quoi », qui complète la poésie du film, peut être du à cette « intuition », plus que « impression » d’un peu de Boris Vian dans sa façon d’apporter de l’irréel, du rêve, dans un monde tout ce qu’il y a de plus commun et courant, lui.
Enfin, « Une sirène à Paris », toutes ces choses dont nous avons traité ici, ça donne le meilleur de Jean-Pierre Jeunet et de Michel Gondry..Ce qui n’est pas la moindre des choses !
Qui plus est, voir, de temps en temps, un film français qui ne soit, ni du « réalisme social militant », ni « le récit commun de monsieur-tout-le-monde » – ce qui est devenu un pari courageux, depuis vingt ans, dans le cinéma hexagonal -, ça mérite tout de même bien d’être vu et apprécié pour ce qu’il arrive à apporter de bon et rafraîchissant !
Christian Estevez
N.B.: critique publiée sur le site de "FemmeS du Monde magazine" le 15 septembre 2020.