Le dernier long métrage de George Miller est totalement inclassable. Si l’on devait le faire rentrer dans une petite case, on pourrait lui accoler l’étiquette de conte moral et philosophique, même si cela s’avère quand même assez réducteur. La première chose que l’on peut dire, c’est ce que ce film est hyper soigné et très beau. La lumière, les couleurs, les effets spéciaux, les costumes, les décors, tout est absolument magnifique. Il s’agit bien sur d’en mettre un peu plein la vue mais il s’agit aussi d’apporter au propos toute la poésie, la légèreté, la folie qu’il mérite. Toute cette poésie visuelle aide à faire passer un film qui s’avère malgré tout assez bavard et dont les 3/4 se déroulent dans une chambre d’hôtel. George Miller, qui n’est pas le premier venu, sait donner du rythme à son film, enchaine les scènes épiques avec celles, plus feutrée, d’un dialogue entre Alithéa et le Djinn qui se raconte. Car toutes les séquences magiques sont celles où le Djinn raconte ses « missions », au début auprès de la reine de Saba, puis à la Cour de Soliman le Magnifique, puis finalement aux cotés d’une jeune épouse mal mariée éprise de connaissances. Tout ce qu’il raconte est la preuve que ces fichus trois vœux sont une foire aux vanités et apporte de l’eau au moulin d’Alithéa. Ce sont toutes ces séquences qui donnent la magie du film car sans ces escapades temporelles, le film tournerait à vide. La dernière partie, en Angleterre, est un peu trop longue et finalement assez confuse dans ce qu’elle voudrait démontrer. Reste que dans sa forme, ce film est totalement emballant : camera subjective, travellings, gros plans ou au contraire plans immensément larges, toute la palette de la créativité y passe. Les rôles secondaires étant assez fugaces voire anecdotiques, on peut résumer le film en la rencontre de Tilda Swinton et d’Idriss Elba. Tilda Swinton est égale à elle-même, assez touchante en jeune femme solitaire, un peu apathique, qui visiblement trouve dans son imagination et son travail tout l’épanouissement que la vie lui a refusé. Il y a quelque chose de touchant dans cette solitude apparemment souhaitée et même revendiquée, quelque chose de fragile aussi, comme si elle portait un masque de cristal qui se fissure tout au long du film. Quant à Idriss Elba, quelle femme ne voudrait pas le voir débouler d’une bouteille, je vous le demande ? Il apporte à son personnage de Djinn une force physique (il est immense et très musclé) qui contraste avec la tristesse et la délicatesse de sa personnalité. Au travers de ses aventures, il compose un Djinn prisonnier de son état, des vœux qu’il exauce, de la solitude qu’elle impose. Le propos du film, c’est bien la rencontre de deux solitudes très différentes, bien au-delà des trois vœux à faire ou ne pas faire. L’une est solitaire parce que sa vie de femme moderne et intellectuelle l’a amené à l’être, l’autre et solitaire car c’est un être immortel condamné soit à errer, soit à attendre dans son flacon. Toute la première partie du film relève du conte moral, où comment les trois vœux finissent par devenir un piège. Pas grand-chose de nouveau sur le sujet, j’en conviens.
La dernière partie, à Londres, est plus romantique et soulève toutes les questions autour de l’attachement, des concessions, du prix à payer pour s’aimer.
Là encore, ce n’est pas d’une folle originalité mais c’est pertinent. Ce qui est dommage, c’est le « Trois mille ans à l’attendre » pose quelques jalons au début (avec la scène de l’aéroport puis celle de la conférence) qu’il n’exploite pas vraiment, ou alors pas clairement.
Ces scènes du début, qui sont en réalité des scènes d’hallucination, veulent-elles dire que la découverte du flacon enchanté est inscrite quelque part par le Destin et non le fruit d’un hasard ?
Le film n’est pas clair sur la question. La fin, qui tire quand même sacrément en longueur, laisse une impression un peu étrange d’inachevé.
Même si je comprends le propos final sur l’Amour et le libre-arbitre
, je ne sais pas trop quoi en penser, c’est un tout petit peu fumeux. Nul doute que « Trois Mille ans à l’attendre » en laissera pas mal sur le bord du chemin, c’est un film onirique, une fable philosophique que certains trouveront un peu indigeste. Mais si l’on est prêt pour un voyage imaginaire dans le temps, si l’on est prêt pour deux heures de magie teinté de philosophie, alors on peut tenter d’embarquer.