Comme les héros de Moneyboys, C.B. Yi vient d’un petit village chinois. Le metteur en scène se rappelle : "J’ai passé mon enfance dans un village au bord de la mer, mon adolescence dans une petite ville autrichienne et, en tant qu’étudiant, j’ai vécu à Vienne et à Pékin avant de m’inscrire à l’Académie du cinéma de Vienne. J’ai eu l’enfance la plus insouciante que l’on puisse souhaiter, et j’y repense avec nostalgie."
"À l’époque, il n’y avait pratiquement pas de criminalité dans mon village de pêcheurs. Les portes des voisins restaient ouvertes et nous, les enfants, pouvions courir à la mer juste après l’école pour jouer, taquiner les crabes ou ramasser des coquillages."
Moneyboys traite d’une situation très spécifique, l’émigration d’un jeune homme de la campagne chinoise. Mais pour C.B. Yi, il s'agit avant tout d'une histoire universelle sur les relations interpersonnelles qui pourrait se dérouler dans de nombreux endroits du monde. Il précise :
"Certaines personnes se sacrifient pour une idée, pour leur patrie, leur famille ou leurs amis, pour leur permettre d’avoir une vie meilleure. Ils sont vénérés - peut-être trop souvent - comme des héros. Fei se sacrifie pour sa famille et ses amis, mais il est méprisé par la loi et la morale familiale pour s’être prostitué."
"Son abnégation n’est pas reconnue car il ne respecte pas l’ordre de la société et de sa famille. Il cherche la reconnaissance et l’amour de ceux qui l’excluent. Ce n’est pas un problème propre à lasociété chinoise, je pense que ce type de conflits existe dans toutes les sociétés, y compris en Europe."
C.B. Yi a par ailleurs situé l’histoire de Moneyboys en Chine pour des raisons personnelles : "Avoir grandi dans la campagne chinoise est lié à des expériences que je porte en moi, comme une langue maternelle qui n’aurait pas été parlée depuis longtemps. Évoquer le monde de ma patrie m’a donné confiance. Je connais ces gens, leurs particularités et leurs conflits. Et je crois que dans une carrière artistique, il faut se confronter au moins une fois à ses origines. En tant que réalisateur, je ne veux pas être réduit à mes origines chinoises ou à des questions culturelles."
Pendant la pré-production de Moneyboys, qui a duré plusieurs années, la Chine a rapidement restreint les libertés en matière de choix des sujets et de réglementation des tournages. Les acteurs que C.B. Yi avait retenus ont ainsi quitté le navire avec regret. Le cinéaste se souvient :
"Près de six mois avant le début du tournage, je me suis rendu à Taipei et j’y suis resté jusqu’à la fin du tournage. Nous avons reçu un soutien amical de la Commission du film de Taipei, qui a contribué financièrement à notre projet. La star taïwanaise Kai Ko était mon premier choix pour le rôle de Fei. Il a lu le scénario, et donné son accord. JC Lin et Chloé Maayan sont tout aussi talentueux et ont pu travailler de manière indépendante sans trop avoir besoin que j’intervienne."
En raison du manque d’argent et de temps, C.B. Yi ont choisi les petits rôles par le biais de vidéos en regardant les castings d’autres projets. "Je n’ai pas pu rencontrer personnellement ces acteurs avant le tournage. Mais grâce à leur professionnalisme et à leur talent, nous avons réussi à créer une atmosphère réaliste. J’ai eu de la chance de travailler avec eux et je suis très reconnaissant envers mon équipe artistique qui a rendu tout cela possible", précise le réalisateur.
Un an après avoir étudié avec Michael Haneke, C.B. Yi a été accepté à la masterclass de son directeur de la photographie Christian Berger. Il a ainsi beaucoup appris sur le maniement de la caméra et de l’éclairage, notamment la manière de créer des atmosphères quel que soit l’environnement. Il explique :
"Les coupes fréquentes créent souvent une dynamique artificielle et superficielle qui détourne l’attention des moments forts. Je trouve plus excitant de disposer les personnages dans un plan-séquence. Les déplacer les uns par rapport aux autres de manière à ce que différentes vues et tailles de cadrage apparaissent au cours d’une scène. Cela crée une dynamique visuelle et une variation de l’image sans interrompre la continuité émotionnelle de la scène."
Le silence joue un rôle important dans les films de C.B. Yi. Il confie : "Les liens entre les gens se créent rarement lorsque vous parlez tout le temps. Cela ne se fait que lorsque l’on arrête de jacasser, que l’on reste silencieux, que l’on ressent son interlocuteur. En silence. Et là, vous le comprenez soudain : c’est fini. C’est la dernière fois que nous nous voyons."
"Ou au contraire : c’est le début d’un grand amour. Des moments aussi intenses n’existent que dans un silence partagé. Parler est un outil qui souvent nous distrait du monde et de nous-mêmes. Pour moi, lorsqu’il y a du silence dans les films, cela génère une ambiance dans laquelle on perçoit les gens dans leur connexion avec les choses et les êtres autour d’eux."