Si Bahz Luhrmann et son style baroque valent sans doute le coup d’œil, si Peter Weir a depuis longtemps confirmé ou même si John Hillcoat n'est pas un manche caméra à la main, Killing Them Softly (2012) et Jesse James (2007) ont suffi à faire d'Andrew Dominik le faiseur le plus talentueux du cinéma australien, au moins à mes yeux. Sa parabole politico-criminelle et son western élégiaque restent à mes yeux deux des œuvres les mieux mises en boîtes que j'aie vues ces dernières années, et Chopper, son premier long, m'intéressait d'autant plus qu'il a permis l'éclosion d'Eric Bana, stupéfiant dans ce rôle de psychopathe. Le résultat, visuellement, est quand même moins probant, premier film (quasi-)oblige. La mise en scène est par moments trop illustrative, la narration un peu hachée. L'absence de recul des cadres amène quand même un certain malaise qui renchérit sans mal sur la violence physique très poussée (à éviter pour les sensibles) qu'affiche Dominik, au service du développement psychologique de son personnage insaisissable et schizoïde. Les choix photographiques électriques et l'utilisation des filtres amènent, un peu comme chez Nicolas Winding Refn (comment ne pas penser à Bronson en voyant ce Chopper, si on l'a visionné auparavant), à déréaliser l'image et submerger l’œil dans un monde glaçant et éreintant, mais pas pour autant intangible. L'oeuvre est donc exigeante et happante, si elle n'est pas de toute beauté ni même aussi achevée que les deux dernières réalisations de Dominik. La stylisation est pourtant déjà là, parfois très originale, et Chopper reste techniquement très solide. Les quelques réserves sont sur le fond, heureusement plus concret et accessible que celui d'un Bronson, même si on peut avoir l'impression que l'intrigue organisée autour de quelques morceaux épars de la vie du personnage, ne sait pas trop où elle va. Je crois qu'Andrew Dominik cherche plutôt à proposer un produit brut, ni vraiment étude, ni et surtout pas condamnation, et à laisser le sujet s'exprimer de lui-même. Ce laisser-aller finit par payer, et Chopper, entre fascination et noirceur mystérieuse, reste en tête un petit moment. Le moins bon des trois films d'Andrew Dominik, mais déjà un produit qui vaut bien de lui consacrer une heure trente.