Fahim est l'adaptation du roman "Un Roi clandestin", un récit autobiographique coécrit par Fahim Mohammad, Sophie Le Callennec et Xavier Parmentier, publié en 2014 aux éditions Les Arènes. Pierre-François Martin-Laval explique comment il a connu le livre : "Le 15 février 2014, je regarde à la télé On n’est pas couché. Laurent Ruquier interviewe un jeune bangladais de quatorze ans à l’occasion de la sortie de son livre, Un roi clandestin. Je n’en ai encore jamais entendu parler, mais je suis à la fois fasciné et bouleversé par ce garçon qui raconte d’une voix calme et posée, pourquoi, à l’âge de huit ans, il a dû soudainement quitter sa mère et son pays natal ; comment, ensuite, après avoir débarqué avec son père en France, sans en connaître ni la langue, ni la façon de vivre, il a réussi à survivre et à devenir, quatre ans plus tard, malgré son statut de SDF sans papiers, le champion de France d’échecs des moins de 12 ans. Quel parcours ! Mon sang de cinéaste ne fait qu’un tour. J’ai aussitôt envie de faire un film."
Pour bâtir son scénario, Pierre-François Martin-Laval s'est d’abord beaucoup appuyé sur le livre, mais aussi sur les témoignages qu'il a recueillis directement. "En premier lieu, ceux de Fahim et de son père, puis ceux de plusieurs responsables d’associations d’aide aux réfugiés. Enfin celui de Xavier Parmentier. Si j’ai dédié mon film à cet entraineur aussi génial qu’extravagant, à qui Fahim doit d’être devenu champion, c’est qu’il est brutalement décédé avant que Fahim ne soit achevé. Pendant environ six mois, je me suis plongé à la fois dans ce monde des échecs et dans celui des réfugiés bangladais dont j’ai découvert qu’ils vivent souvent dans des conditions de peur et de précarité assez insoutenables. La maturation de ce film a été longue, mais il fallait que je me sente légitime pour le faire. Fahim était mon premier biopic : il était hors de question que je dise des inepties", se rappelle-t-il.
Les images d’archives qui débutent Fahim traduisent ce souci de vérité ayant a guidé Pierre-François Martin-Laval tout au long du processus de création. Elles sont surtout là pour dire la réalité de la violence qui gangrénait le Bangladesh au début des années 2000. Le cinéaste précise : "Il fallait que les spectateurs comprennent pourquoi Fahim et son père avaient dû fuir Dacca. À ces images d’archives, j’ai incorporé celles de la famille d’Assad. Cet exercice de « mixage » était tout nouveau pour moi. J’ai adoré fabriquer cette partie du film. Patrick Godeau m’avait donné pour consigne que les séquences sur Dacca dépaysent le spectateur autant que si on l’avait « transporté sur Mars ». En retour, je devais donner l’impression que, lorsque Fahim et son père atterrissent à Paris, ce soit pour eux comme de débarquer sur une autre planète. D’où ces plans très cartes postales de notre « belle capitale » lorsqu’ils la traversent pour la première fois."
Malgré sa volonté de s'en tenir aux faits, Pierre-François Martin-Laval été contraint de « tricher » (un peu) avec eux. Pour des raisons évidentes de tournage – le metteur en scène n’avait qu’un seul comédien pour jouer Fahim –, il a notamment dû « ramasser » son histoire française sur un an et demi, alors qu’en réalité, le héros a vécu trois ans et demi dans la rue. Il ajoute :
"Le personnage d’Isabelle Nanty est, en fait, la « réunion » de deux personnages existants : celui de cette femme formidable impliquée dans le club d’échecs qui avait accueilli Fahim, et celui de cette autre femme, non moins formidable, qui, le 14 mai 2012 sur l’antenne de France Inter a demandé, en direct, à François Fillon, alors premier ministre, s’il trouvait normal qu’un enfant surdoué ne puisse pas participer à un championnat de France sur ce seul motif d’être dépourvu de papiers d’identité. Il m’a semblé que cette séquence, qui fut à l’époque beaucoup relayée par les médias, serait plus « forte », plus « touchante » cinématographiquement, si le spectateur connaissait déjà celle qui en était l’instigatrice, d’où l’idée de l’attribuer à la « patronne », si maternelle, du club d’échecs de Fahim."
Concernant la thématique des échecs, Pierre-François Martin-Laval s'est constitué plusieurs références cinématographiques. "J’avais visionné pas mal de films. Celui qui m’a le plus fasciné est Magnus, un documentaire qui montre l’ascension de Magnus Carlsen, de sa nomination de grand maitre des échecs à 13 ans, jusqu’à son sacre de champion du monde en 2016. Mais aussi Le Prodige de Edward Zwick, L’Homme qui défiait l’infini de Matt Brown et le documentaire Au bord du monde de Claus Drexel", se souvient le réalisateur.
C’est son directeur de casting Mohamed Belhamar qui a découvert Assad Ahmed après plusieurs mois d’enquête et de déambulations. Pierre-François Martin-Laval confie : "Mohamed a commencé par le chercher dans les quartiers de Paris où sont regroupés les bangladais. Ne le trouvant pas, il s’est rendu dans les banlieues. Mohamed a fini par trouver sur photo un enfant de douze ans. Quand ce dernier est arrivé au casting, on s’est aperçu qu’il mesurait… 1mètre 75. Heureusement ce grand « petit garçon » était venu avec un copain, Assad, qui, lui correspondait physiquement au Fahim que nous cherchions. Arrivé en France trois mois avant, c’était un jeune garçon très réservé mais il a accepté de passer les essais."
Pour le maniement des échecs, Pierre-François Martin-Laval a expliqué à Assad Ahmed qu’il ne pouvait pas incarner un champion d’échecs sans jamais y avoir joué. Au bout d’une semaine de cours, Christophe Casamance, son professeur sur le film, a demandé au metteur en scène la permission de l’emmener à une compétition, lui et toute sa classe. "Vous me croirez ou non, mais Assad a gagné la partie qu’il avait voulu disputer et il a eu le droit de monter sur le podium. Nous étions sidérés ! Assad est un battant. Quand il investit un rôle, c’est 24 heures sur 24, même quand il ne tourne pas ! (Rire)", se rappelle l'ex-Robin des bois.
Pour jouer Sylvain, l’un des meilleurs entraîneurs d’échecs de France (qui dans la vraie vie s’appelait Xavier Parmentier), Pierre-François Martin-Laval a fait appel à quelqu'un qu'il connaît bien en la personne de Gérard Depardieu (tous les deux étaient au casting de Astérix & Obélix: Mission Cléopâtre, RRRrrrr!!! et Les clefs de bagnole). Le metteur en scène justifie ce choix :
"Quand j’ai rencontré Xavier Parmentier, je me suis retrouvé face à un homme qui m’a évoqué Gérard Depardieu : même gabarit, même douceur et même… tempérament volcanique. Etant un grand naïf, j’ai évidemment tout de suite pensé à Gérard pour l’interpréter, sans imaginer une seule seconde que ce dernier pourrait me dire non. Jusque-là, en matière de distribution, j’avais toujours eu de la chance. J’avais rêvé des Monty Python, je les ai eus. J’avais rêvé de Pierre Richard, il est venu. etc… Quand j’ai envoyé le scénario à l’agent de Gérard, j’ai quand même un peu tremblé. Le script faisait 140 pages. J’ai eu peur que cette longueur ne décourage Gérard. Ça n’a pas été le cas : dans les 48 heures, il m’a dit oui. Gérard est un homme élégant. Il ne vous fait pas lambiner longtemps."