Portrait d'une famille de nazis avec des problèmes de nazis
Je n'ai jamais ressenti ça en regardant un autre film. J'y suis allé avec un certain à priori après avoir lu le synopsis où on décrit un couple qui "s'efforce" de bâtir un nid confortable au pieds des murs d'un camp de concentration. "S'efforce", oui.
J'ai quand même laissé sa chance au film, le début m'a séduit, contrastant lorsqu'on sait ce qui se passe à Auschwitz, la femme du directeur est détestable dès les premières minutes, elle paraît complexe, on ne sait pas si elle a conscience de ce qui lui permet de profiter de ses petits plaisirs mais on peut penser que oui, quant aux images, elles sont colorées dans un premier temps, elles rappellent la famille idéale américaine dans les années 60 que l'on a l'habitude de voir, version nazi, bref c'est intéressant une vingtaine de minutes, pas plus.
Ensuite le ton du film se grise, on suit les succès de l'un dans sa quête de l'amélioration du "rendement" d'Auschwitz, la fierté de l'autre de montrer son beau jardin. Tout ça entrecoupés de gros plans de fleurs, d'une intrigue parallèle incompréhensiblement filmée avec un effet caméra thermique dont l'idée pourtant intéressante est essorée jusqu'à ce que plus personne ne puisse utiliser l'idée pendant un siècle, et enfin des coupures d'images avec des synthés censés être déstabilisants. Bref, de l'art experimental à côté de l'atrocité que l'on montre timidement, c'est ce qui m'a le plus dérangé dans le film.
Puis, petit à petit, les personnages que je déteste tous sans exception perdent pied. Je suis à ce moment là partagé entre le sadisme de voir leur petit monde s'écrouler et l'exaspération du temps que l'on passe à documenter leurs malheurs. Mais très vite c'est l'exaspération qui l'emporte. D'abord la mère de la femme qui leur rend visite et qui s'en va après avoir passé une journée avec la famille parce qu'avoir un beau jardin, c'est bien, mais à côté d'Auschwitz c'est moins bien, ce qui devrait être le titre du film. Le mari qui est déçu que sa femme tienne plus à la maison et son jardin qu'à lui
lorsqu'il lui annonce avoir une promotion et qu'elle lui dit qu'elle ne le suivra pas
. Et les enfants qui développent des comportements anormaux à cause de ce qui se passe derrière les rose et les dahlias. Les malheurs de cette famille durent les 2/3 du film. L'objet de celui-ci n'est évidemment pas de dire que les nazis aussi ont des problèmes, qu'ils ont des petits rhumes chaque hiver et des factures à payer comme tout le monde, c'est certain, mais je ne comprends pas l'effet escompté en insistant autant sur leurs malheurs. Ensuite vient un plan grossier dans la fameuse verrière avec ses superbes plantes, une allégorie qui fait doublon avec la maison et le beau jardin, l'allégorie de la bulle d'oxygène à côté de l'enfer. Le ponpon, un des enfants à tendance psychopathe qui enferme son frère dans cette serre et qui le condamne, comme il nous condamne nous, à regarder les fumées qui sortent des cheminées et qui opacifient le ciel à travers les vitres. Tout ça est censé faire réfléchir, ça ne marche pas.
Ensuite une réunion de nazis sans réel intérêt. Puis le directeur devenu sur-directeur est pris de nausées, parce qu'il est stressé ou parce qu'il a des remords (bizarre dans les deux cas). Sans transition, un plan très mal filmé qu'on croirait avoir été filmé à l'iphone et rajouté à la dernière minute de l'extérieur d'un four qui fait maintenant partie du musée. La séquence finale qui était nécessaire et qui est réussie malgré tout montre l'intérieur du musée et enfin l'attrocité. Cette séquence est effectivement remplie d'émotion et fait enfin du sens à ce film.
Le début et la fin sont intéressants et auraient mérités d'être mis bout à bout. Le centre du film est quand à lui pollué de superflus et de tâtonnements artistiques qui n'ont je trouve pas leur place avec des sujets qui demande autant d'aplomb que celui-ci. Concernant les émotions que j'ai pu ressentir comme la haine profonde et viscérale des personnages, montée de façon totalement artificielle avec comme seul appui les atrocités que l'on nous laisse de façon paresseuse aller chercher dans nos souvenirs (encore faut il avoir été sensibilisé et informé sur le sujet avant de voir le film sinon on est garanti de ne rien en tirer), je ne suis pas fan du tout.
Dans l'ensemble jai trouvé le film déplacé. On ressent la volonté de créer artificiellement des images fortes qui sont ensuite assemblées de façon chaotique et dissidente. Certaines mécaniques fonctionnent, toujours au détriment du fond. Plus les personnages sont détestables, plus ils sont vides. Je ne comprends pas comment on peut faire d'une si bonne idée un film aussi médiocre.