Un tremblement de terre cinématographique invisible sur la représentation d'Auschwitz-Birkenau au cinéma. Après une décennie d'absence, c'est le retour de Jonathan Glazer, avec la moyenne d'un film tous les dix ans. Ici, l'on suit la vie paisible, familiale et heureuse de la famille Höss, commandant du tristement célèbre "camp de la mort". Dans un métrage de 1h46, dans un cadre toujours fixe, large et espacé filtrant une luminosité toujours clairvoyante, leur quotidien,
entre baignade au lac ou encore dans la piscine, les promenades dans l'immense jardin ou encore le retour de l'école
est dépeint. Ce qui rend ce film si chef-d'oeuvresque est la terrifiante différence entre la vie "paradisiaque" et "idéale" des Höss et la vie mortifère du camp d'extermination. De plus, Jonathan Glazer prend la position de ne jamais montrer l'intérieur du camp. On le voit toujours en fond, caché par des murs de briques, recouvert de plantes, dissimulé derrière une paroi imaginaire. C'est d'autant plus terrifiant qu'elle est toujours là, dans le paysage de cette famille horriblement heureuse.
Par exemple, dans un plan large d'une après-midi piscine, dans une ambiance récréative, la fumée des convois de la mort se dessine à l'arrière.
Ce film tient le spectateur en haleine du début à la fin avec cette famille si banalement décrite que cela en devient anxiogène et très dérangeant, quand l'on connaît la vérité historique. Sans jamais citer l'atrocité des camps, des cris, des bruits de fouet et des tirs ou encore la fumée constante sortant des cheminées assomment le spectateur d'une glaçante envie de s'enfuir de la salle. Le cadre est systématiquement fixe, certains travelling déroulent l'horreur du jardin exotique face au camp, s'éloignant de toute représentation fictionnelle. Le film est d'une vérité historique pure et complète, monté et calibré comparément à de l'horlogerie Suisse. On y décompte de nombreuses références notamment avec la présence fréquente de la rivière, reliant directement au début du similaire chef d'oeuvre "Shoah" de Claude Lanzmann. Sans plus rentré dans la complexité et le génie cinématographique de chaque plan de Jonathan Glazer, se rapprochant parfois de ceux de Wes Anderson, je vous invite à aller voir ce métrage, qui déjà nommé plusieurs fois aux Oscar, sera certainement le meilleur film de 2024.