Film dramatique et historique, écrit et réalisé par Jonathan Glazer, La Zone D'Intérêt est un long-métrage hautement marquant. L'histoire nous fait suivre Rudolf Höss, sa femme Hedwig, ainsi que leurs enfants, vivant paisiblement dans leur grande maison et leur jardin fleuri adossé au mur du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz où le père de famille est commandant. Ce scénario, adapté du roman de Martin Amis, est tout simplement glaçant à visionner de bout en bout de sa durée d'environ une heure et quarante-cinq minutes. On assiste pendant tout ce temps au quotidien de cette famille heureuse menant une existence tout à fait normale alors que de l'autre côté de leur jardin l'horreur la plus totale se produit à l'abri de leurs yeux. Mais si celle-ci ne se voit pas, elle se laisse largement deviner à cause des bruits constants, des fumées et des odeurs émanant de ce véritable enfer. Si le récit comporte quelques longueurs, celles-ci sont nécessaires afin de faire ressentir ce terrible contraste. Car oui, tout le film joue sur ce contraste effroyable et le sujet difficile est traité avec énormément de subtilité et d'intelligence. Tout cela donne lieu à d'innombrables scènes choquantes et mémorables grâce à des détails glauques faisant froids dans le dos amenés de façon perspicace, le tout dans une ambiance de mort. L'ensemble est parfaitement porté par des personnages pas manichéen pour autant, ce qui est fort appréciable. Ces derniers sont interprétés par une distribution d'une grande justesse comportant entre autre Christian Friedel, Sandra Hüller, Ralph Herforth, Daniel Holzberg, Sascha Maaz, Freya Kreutzkam ou encore Imogen Kogge. Tous ces rôles entretiennent des relations procurant énormément d'émotions, souvent de tristesse et de dégoût. Des échanges très bien soutenus par des dialogues d'une grande authenticité. Si le fond prend au trip, ce sentiment de rejet face à l'abomination est paradoxalement sublimé par la réalisation de Jonathan Glazer. En effet, sa mise en scène majoritairement en plans fixes, couplée à quelques travelings longeant le mur, est tout simplement sublime. Surtout, elle évolue dans un environnement parvenant à être à la fois aussi verdoyant que repoussant. Et une fois de plus le contraste est saisissant entre les fleurs colorés et les bâtiments ternes et délabrés de l'autre côté. De plus, le cinéaste propose une véritable expérience cinématographique via quelques effets de styles peu communs, nous plongeants encore plus dans l'atrocité. Des actes abjects commis hors-champs et qui pourtant se voient. Ce visuel parfaitement cadré et à la photographie soignée et naturellement lumineuse, en dépit de la thématique, est accompagné par une b.o. singée Micachu, dont les compositions se font peu entendre. Seulement, quand leurs notes se mettent en marche on ne peut en aucun cas en faire fi tant elles sont angoissantes et impactantes. Le reste du temps, c'est le travail sonore qui prend le relais, et celui-là est sacrément anxiogène. Effectivement, on entend constamment les soldats allemands crier, tirer, et le barouf des trains arrivant dans la sordide enceinte. Cette cohabitation épouvantable s'achève sur une fin complètement à la hauteur de son propos, venant mettre un terme à La Zone D'intérêt, qui, en conclusion, est un film d'une grande dureté mais une œuvre nécessaire pour mieux comprendre toute cette période abominable.