La première minute (on se demanderait presque si le projectionniste a bien « mis la bobine ») s’éternise, grinçante et dérangeante, et plante au creux du ventre une graine d’angoisse.
Tiré d’une histoire vraie, le film « se contente » de relater objectivement et froidement la vie « tranquille et normale » de la famille d’un militaire allemand dans une jolie maison, de jolis bambins blonds qui jouent dans un beau jardin empli de fleurs et de couleurs, avec sur le côté un grand mur, sur lequel la maîtresse de maison fait grimper de la vigne pour l’embellir …
Le militaire en question est un SS, bien sûr, responsable du camp d’extermination d’Auschwitz en Pologne,et semble bien plus préoccupé par la manière cruelle qu’on certains soldats d’arracher les branches de lilas (ce qui fait saigner l’arbuste !) que par « ce » qu’on s’ingénie à brûler plus efficacement et en plus grande quantité, à 100 mètres de la chambre de ses enfants.
Nous sommes les témoins immobiles et silencieux de cette innommable abomination qui s’introduit doucement dans nos yeux, dans nos veines, imperceptiblement, par petites touches, et plane sur tout, omniprésente ! – comme le furent bien des êtres « dits humains » de cette époque, des témoins silencieux et immobiles –
- Pas d’images choc, pas de scènes choquantes … Juste cette fumée noire en fond de décor qu’on pourrait même ne pas voir, de l’autre côté du mur, cette cheminée qui n’en finit pas de cracher des flammes et vomir une fumée qu’on imagine grasse, nauséabonde et épaisse, et aussi juste un bruit de fond qui nous confirme qu’un épouvantable monstre est bien tapi derrière le mur et qu’il ne dort jamais !
La fin, percutante et détachée, alterne présent et passé, froidement
On ne peut s’empêcher de penser à la liste de Schindler, mais ces 2 films aux antipodes l’un de l’autre savent nous toucher au plus profond de notre humanité.
On se heurte parfois à des moments qu’on ne saisit pas, les séquence d’images en négatif que j’appellerai « la jeune fille aux pommes » sont déroutantes, il manque parfois une ou deux petites explications, mais cela n’enlève rien à la puissance du film !
Ce film fait monter en nous des oxymores comme : un silence assourdissant, une violence placide, une horreur tranquille, une atrocité banale, un hurlement muet, une indicible vérité … je suis persuadée que vous en trouverez aussi …
-- Evidemment, c’est un film à voir, à se prendre dans la tronche, en pleine figure et en plein ventre … il parle d’un des furoncles de l’Humanité !