https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/05/20/the-zone-of-interest-critique/
La promesse sur le papier se tient sur l’écran, c’est un euphémisme. Un film lunaire, totalement sensoriel, qui se vit, se voit, et nous transcende d’une émotion difficile à contenir. The zone of interest, c’est le culte du contemplatif, c’est tout sur le formel, une splendeur plastique, c’est le règne de l’art. Les couleurs millimétrées sont révolutionnaires, la symétrie est sidérante, le grain de la photographie est unique, le monochrome blanc sur certains cadres est renversant. The zone of interest, c’est une œuvre d’art, une exposition de tableaux sur la sensorialité, mais c’est aussi du cinéma, tant l’émotion visuelle, sonore, situationnelle nous étreint, nous tiraille et ne nous lâche jamais.
Toujours sur la forme, mais qui dit plus que le superflu des mots, de la maison à Auschwitz, tout près, juste là, on n’entend pas et on ne voit pas ces cris de femmes, d’enfants, d’hommes, cette fumée noire, rouge, jaune, fonction de l’heure du jour, où se perdent les innocences de toute l’humanité. Dans l’insolence et l’indolence de la petite maisonnée familiale du commandant Höss, on mange, on joue, on se baigne dans la piscine, mais jamais à quelques mètres, on ne pense aux crimes contre l’humanité sur lesquels ils ont pourtant la plus imprenable des vues.
C’est le paroxysme du contraste, c’est une troublante expérience, c’est les larmes du spectateur. Le prisme du cinéaste fera crier au génie ou au scandale, c’est selon. Mais cette approche inédite, de confronter à ce point le bucolique et le mal absolu, cet effet miroir de la joie familiale simple aux meurtres de masses de familles entières, est renversante. Les fleurs qui étincellent face aux fumées horrifiques, le son du chant des oiseaux face aux bruits des exécutions sommaires. Cette façon de regarder l’atrocité ne vous laissera pas indemne, et c’est bien en cet endroit que The zone of interest est inoubliable autant qu’indispensable, c’est la splendeur de l’usage cinématographique dans son caractère le plus inédit pour parler du pire cauchemar de l’humanité.
The zone of interest est une œuvre radicale, explosive dans tout ce qu’elle montre, minimaliste dans sa parole. Elle est de celle dont on ne peut se défaire, c’est une émotion totale de cinéma, c’est le cinéma.