Le Squelette de Madame Morales est une comédie noire mexicaine, et quand on voit ce genre de films, on sait d’où vient le style de réalisateurs hispaniques contemporains comme Alex de la Iglesia (que j’affectionne particulièrement du reste !). On a ici un petit bijou de comédie noire, mais très noire, car en vérité, toute la première partie montre la destruction d’un couple, et c’est plutôt réaliste et violent malgré la satire sous-jacente et les seconds rôles plus ou moins drolatiques. En vérité, le film n’est pas toujours si drôle que ça, avec un côté assez asphyxiant, étouffant, cette représentation crédible de couples qui se détestent, et c’est pas chose si rare ! C’est aussi la force de ce film, d’être comique par moment, mais d’avoir un vrai propos, de représenter une situation sociale et de la porter jusqu’à un point qui rend le point de bascule crédible. On se dit que ça pourrait arriver, et d’ailleurs c’est plus ou moins un fait divers réel qui aurait inspiré le métrage. Très intéressant, très subtil, très bien rythmé (la première partie est peut-être un peu longuette, mais enfin dans un film de 85 mn ça passe), ne ratant pas son final, le métrage est très prenant, très grinçant, dérangeant et parfois fendard, bref, on rentre dedans sans souci.
Evidemment, cette histoire ne serait sans doute pas la même ou n’aurait pas la même efficacité sans son casting remarquable. Amparo Rivelles est particulièrement impressionnante en mégère. Elle l’est d’autant plus que par moment on se dit qu’elle ne l’est peut-être pas tant que ça, pas volontairement, on peut la prendre en pitié en supposant l’incompréhension au sein du couple, elle est délicieusement manipulatrice et détestable ! Et en même temps, elle est aussi très jolie ! En face, Arturo de Cordova est brillant lui aussi en mari flegmatique mais jusqu’à quel point ? Il est mémorable, et les seconds rôles sont du même acabit. Antonio Bravo, le prêtre, à une tête incroyable, Rosenda Monteros est touchante dans le rôle de Meche, bref, c’est que du bon !
Visuellement, idem, le film est très réussi. Ok, il joue la carte du minimalisme dans les décors, se déroulant surtout dans la maison, mais ça renforce justement le côté étouffant des scènes de ménage, des disputes, des conflits. Puis cette maison pleine d’objets de taxidermie est tout à fait spécial. L’ambiance du film est à la fois lourde et légère, et il y a cette impression malsaine qui est souvent présente dans le cinéma de genre hispanique. Quelques scènes un peu glauques ponctuent le métrage, mais tant mieux ! Le réalisateur, avec finalement rien de très choquant, avec à créer une vraie tension, une atmosphère d’angoisse et d’inquiétude sourde, de malaise, vraiment, son travail est très efficace. La bande son ajoute un petit plus bienvenu à l’ensemble.
Pour ma part, Le Squelette de Madame Morales m’a vraiment convaincu. C’est un film très intelligent, très subtil, d’une durée courte mais qui dit énormément de choses en si peu de temps et convoque autant le drame que l’humour pour un résultat détonnant. Parfaitement interprété, le métrage, souvent classé parmi les meilleurs films mexicains, mérite assurément cet honneur. 5