Berlin Alexanderplatz est adapté du roman du même nom de d’Alfred Döblin publié pour la première fois en 1929. Un livre qui a marqué le réalisateur Burhan Qurbani lorsqu'il l'a découvert au lycée : "Quelques années plus tard, lorsque j’ai déménagé à Berlin, j’ai relu le roman et j’en suis vraiment tombé amoureux. Lors de mon arrivée à Berlin, je vivais près d’un parc fréquenté par des familles issues de la classe moyenne. À proximité, il y avait également des dealers de drogues. Essentiellement des hommes originaires d’Afrique. Et je n’étais pas à l’aise avec cet amalgame voulant qu’un homme noir soit un criminel. Il m’est venu l’idée de raconter l’histoire d’un de ces immigrés. Je me suis rappelé du roman d’Alfred Döblin."
Pendant l’élaboration du scénario, Burhan Qurbani a visionné des films français et américains. Il avait ainsi pour références Scarface de Brian de Palma, Un prophète de Jacques Audiard et Le Parrain de Francis Ford Coppola : "Des films qui évoquent le monde des gangsters. Mais aussi, et surtout, des populations immigrées. Mon film véhicule une certaine esthétique. On peut dire qu’il est romantique, dans le sens littéraire et allemand du terme. La poésie, par ailleurs, m’a également beaucoup influencé", précise le cinéaste.
Burhan Qurbani voulait adopter le point de vue d’un homme venu d’Afrique. Le cinéaste est lui-même issu d’une minorité, la communauté afghane. "A Berlin, il y a énormément d’immigrés de pays arabes visibles et plutôt bien intégrés, ce qui n’est pas forcément le cas des immigrés africains. Je voulais mettre l’accent sur la parole de l’un d’entre eux. Francis est le visage mais également la voix et l’histoire de tous ces hommes venus d’Afrique. Berlin Alexanderplatz n’est pas tant un film sur les réfugiés mais plus un récit sur les conditions qui poussent ces immigrés à quitter leur pays", raconte-t-il.
Par le passé, il y a eu deux autres adaptations du roman d’Alfred Döblin : Berlin Alexanderplatz (1930) de Phil Jutzi et Berlin Alexanderplatz (1980) de Rainer Werner Fassbinder, une série de 14 épisodes. "Dans les années 1930, Berlin représentait une ville qui figurait l’échange et l’excès. Dans le roman d’Alfred Döblin, la ville est représentée comme une Babylone moderne. Elle symbolise la lumière mais également l’obscurité. Et tous les nouveaux arrivants peuvent ressentir cette énergie et ces ténèbres", confie Burhan Qurbani.
A l'origine, Burhan Qurbani comptait choisir un acteur non-professionnel pour incarner Franz. Mais la complexité inhérente au personnage l'a finalement poussé à prendre un comédien professionnel. Il se rappelle : "On a cherché dans plusieurs pays, sans succès. Puis, en 2017, ma directrice de casting, Susanne Marquardt, a vu le film brésilien Joaquim, en compétition à la Berlinale. Welket Bungué y tenait un rôle secondaire. Susanne m’a suggéré son nom même si je n’étais pas forcément convaincu de ce choix car assez éloigné de la description du personnage de Franz dans le texte d’Alfred Döblin. Lorsque j’ai rencontré Welket pour la première fois, ce fut comme une évidence."
Dascha Dauenhauer a signé la musique du film en s'inspirant de Wagner. "Il fallait quelque chose qui fonctionne avec des thèmes, des motifs et des leitmotivs. Un peu comme un opéra finalement", explique Burhan Qurbani.
Burhan Qurbani connaît Jella Haase, qui joue Mieze, depuis des années. Pour ce rôle, le metteur en scène cherchait une actrice capable d’incarner une femme-enfant, avec un mélange de sagesse et de naïveté. Albrecht Schuch, interprète de Reinhold, "avait déjà en lui ce vide sombre et cette colère mystérieuse. Deux éléments indispensables du personnage. Comme c’est le cas avec Jella, il joue la carte de la dichotomie puisqu’il interprète un homme aussi épouvantable que fascinant", confie le réalisateur.
Burhan Qurbani explique au sijet du roman : "Parmi les textes fondateurs de la littérature allemande du XXème siècle, il figure en bonne place. Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin n’est pas aisé à définir. Ceux qui voudraient se dérober à l’exercice parleraient de roman à tiroirs. Car ici, les intrigues sont multiples. L’histoire de la sortie de prison de Franz Biberkopf, criminel ayant purgé une peine pour l’assassinat de sa femme, n’est que le point de départ d’un terrible engrenage dans lequel le personnage va se retrouver entraîné. Et le lecteur avec. Plus qu’un roman, le texte d’Alfred Döblin fait penser à une série. Il est d’ailleurs structuré comme tel avec ces différents chapitres"