Alors en pleine guerre froide, un groupe d'espions américains un envoyé à Moscou pour tenter de récupérer "La Lettre du Kremlin", un document d'une immense importance.
Dès les premières minutes, John Huston nous immerge totalement au cœur de l'histoire et met en scène une atmosphère ambiguë, glaciale et pessimiste. Peu à peu il dévoile ses cartes et tire les ficelles entre les différents personnages, le tout avec cynisme et mystère, le protagoniste se retrouve peu à peu perdu et ne peut jamais avoir confiance en quiconque, tant chez ses supposés alliés que les ennemis. Bénéficiant d'une excellente qualité d'écriture, tant dans les personnages que les dialogues ou l'avancement de l'histoire (certes, assez complexe), il en tire le meilleur pour dresser le portrait d'une galerie de personnages aussi mystérieuse qu'intéressante.
Là où Huston se montre particulièrement ambitieux, c'est dans le traitement des thématiques et de l'espionnage en général. On est loin du romantisme et excès à la Bond, ou d'un patriotisme (et propagande) fort, souvent présent en ces temps de guerre Froide. Ici, il est le plus réaliste possible, loin d'un mépris pour une nation ennemie et montre clairement la peur constante qui plane sur les agents, la façon dont ils vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il décrit un monde pourri, notamment par la corruption et aborde de nombreux thèmes délicats sans aucune retenue, allant de la drogue à l'homosexualité.
La façon dont Huston retranscrit tout cela est là aussi remarquable, que ce soit via la construction du récit où, malgré la complexité de l'affaire, on y est totalement immergé ou de brillamment jouer avec sa caméra (les contre champs surtout) pour décrire les pires des horreurs. Plusieurs scènes en deviennent mémorables, notamment l'introduction mais surtout la finalité qui fait vraiment froid dans le dos. Devant la caméra, les interprètes se fondent totalement dans leurs rôles bien compliqués, mention à Bibi Andersson, Patrick O'Neal et George Sanders.
Une oeuvre qui est loin de laisser indifférent où, à nouveau, John Huston montre tout son savoir-faire et La Lettre du Kremlin est aussi ambitieux que réussi, nous emmenant avec ambiguïté et réalisme dans un monde d'espionnage qui fait froid dans le dos...