Il était intéressant de savoir comment le japonissime Hirokazu Kore-Eda allait se sortir de sa confrontation avec le cinéma européen et ses monstres sacrés comme l'Impératrice Catherine I de France.....
Eh bien, il me semble que le film est assez caractéristique d'un cinéma français intimiste de qualité, et qu'il aurait pu être tourné par un Benoit Jacquot ou un Olivier Assayas.... Contrairement aux actrices japonaises moins marquées, on dirait, plus interchangeables si cela n'avait un petit côté dépréciatif, la Deneuve et la Binoche imposent trop fortement leur personnalité pour que cela n'impacte pas le discours de Kore-Eda.
Il n'en reste pas moins une très fine description des difficiles rapports mère/ fille.
Fabienne est une star de cinéma vieillissante, une femme forte, dure, égoïste, imbue d'elle-même, toujours prête à dire une méchanceté sur les autres, (Deneuve semble affectionner ce type de rôle...) et qui n'a jamais hésité à coucher pour un rôle, et qui n'hésite pas plus à en parler. Dur dur pour les mytooettes..... Mais Catherine Deneuve nous a montré par le passé son indifférence à un certain féminisme hystérique. Fabienne publie son autobiographie, énorme tirage.... et c'est pour la féliciter et aussi le lire, enfin, ce texte qu'elle aurait aimé connaitre avant sa parution que sa fille Lumir (Juliette Binoche) vient des Etats Unis. Elle est scénariste, elle aime son mari américain, acteur de séries télévisées de deuxième ordre et alcoolique plus ou moins repenti (Ethan Hawke), et a une charmante petite fille. Et naturellement, le récit idyllique et hautement enjolivé de sa mère la met très, très en colère......
Entre la mère et la fille il y a aussi une morte, une femme, actrice célèbre elle aussi, la meilleure amie de Fabienne, mais aussi sa rivale, qui s'occupait beaucoup de Lumir et qui s'est suicidée -en tous cas, noyée- lorsque Fabienne lui a pris son mec..... Et tout autour, il y a d'excellents seconds rôles, tous épatants, le père de Lumir, vaguement artiste (Roger van Hool); le nouveau mari, confiné à la cuisine, la seule chose qu'il aime faire et fait bien (Christian Crahay), l'agent omniprésent et souffre douleur (Alain Libolt)
Et il y a ce rôle qu'elle tourne dans un film de science fiction, celui d'une femme vieillissante dont la fille ne vieillit pas...... subtil retour au couple infernal mère-fille.
Chez Lumir il y a tellement de rancoeur. Toutes ces occasions où sa mère aurait dû être là, alors qu'elle ne pensait qu'à sa carrière..... Alors, elle le dit, avec beaucoup de violence et de méchanceté, et Fabienne lui répond avec aplomb, et calme parfait.
Et petit à petit, une vérité se fait jour -c'est que chacune a sa vérité. La vérité c'est qu'à sa façon, Fabienne a beaucoup aimé sa fille. Que son indifférence était en partie une carapace pour se protéger des duretés d'un métier. Et que les souvenirs de Lumir, à cause de cette rancoeur, sont peut être terriblement faux, terriblement déformés....
C'est un beau film, tendre et finalement optimiste sur les familles -le seul sujet qui intéresse Koré-Eda en fin de compte.