Autant je n'ai pas du tout apprécié les derniers films d'Arnaud Desplechin, "Les fantômes d'Ismaël" et "Trois souvenirs de ma jeunesse", autant j'ai trouvé sa déambulation dans le genre du polar noir intéressante et surprenante. Un soir de Noël, alors que les lumières scintillent encore dans les rues désertes de Roubaix, la police locale fait face à la délinquance. C'est presque un microcosme qui nous est représenté, à la fois sale et miséreux, cruel et toxique, empruntant un fait divers à la réalité pour en faire un film d'enquête riche en émotions. J'ai eu du mal à y croire au début car, à l'instar d'un documentaire, on suit la routine de cette équipe de police sans qu'il ne se passe rien de cinématographiquement palpitant. Et tout d'un coup, l'accident, la surprise de capter que quelque chose cloche derrière un simple incendie. La situation s'installe, ce binôme de femmes apparait, on flaire l'anguille sous la roche... Sans qu'on le réalise, on est comme percuté de plein fouet par la justesse intense des comédiens. Les gros plans, la musique très grave et l'épuration de ces salles d'interrogatoire où sont accrochées quelques guirlandes vieillottes nous plongent dans les abysses de l'être humain. On ne cherche pas forcément à comprendre l'acte meurtrier, notre imaginaire, pour ça, suffit. Mais notre curiosité se penche sur la relation de ces deux femmes et sur leur difficulté à communiquer. Face à la gravité de l'enquête, on admire le sang-froid et la sérénité du chef de police campé par Roschdy Zem. Selon moi, c'est son meilleur rôle, et de loin ! Il est magnétique, vibrant et dégage une confiance inébranlable. Face à lui, Sara Forestier, totalement transformée, s'oublie dans ce jeu d'incarnation sensible et déroutant. Elle m'a bluffé. Léa Seydoux, moins convaincante dans ce type de rôle "rural", emballe par sa capacité à tout maintenir en elle jusqu'au craquage. Par contre, je vois pas trop l'intérêt du personnage d'Antoine Reinartz face à ce trio percutant. Pour ce qui est de la mise en scène, elle n'offre aucun suspense mais mise tout sur une tension latente et un mystère absolu. On ne répond jamais à la question "Pourquoi ?", ce qui donne à ce polar une volonté de décortiquer les sentiments de remord, de pardon, de culpabilité. C'est un film d'acteur qui fait abstraction d'effets de style. Et cette sobriété fait l'effet d'un coup de poing, accompagnée par la mise à nu déroutante de ses acteurs.