Inspirée depuis toujours par la Tunisie dont elle est originaire, Manele Labidi a trouvé dans la révolution tunisienne le déclencheur de son premier long-métrage : "La révolution a rendu le pays tout d’un coup « bavard » après des décennies de dictature et c’est cette effusion de parole intime et collective que j’avais envie de traiter. J’ai aussi compris que la révolution avait eu impact sur le psychisme de la population : la chute brutale de la dictature avait plongé le pays dans un chaos et une incertitude provoquant chez certains des troubles anxieux et dépressifs liés aux interrogations sur l’avenir politique du pays, la crise économique, le spectre islamiste, le terrorisme".
Alors que le monde arabo-musulman est souvent réduit au terrorisme, à l’islamisme et à la question du voile, la réalisatrice voulait en offrir un regard différent grâce à la comédie : "ses codes, ses outils cinématographiques permettent de traiter de ces sujets complexes de manière élégante et distancée, ce qui m’a offert une très grande liberté". Elle s’est notamment inspirée de la comédie italienne des années 60-70 qui traite, selon elle, de sujets sociaux et politiques à travers l’humour et la satire. "Il y a dans ces comédie une vitalité et une outrance toujours teintées de poésie et d’humanité qui ont résonné très fortement chez moi et ont fait le pont avec ma culture arabo-méditerranéenne", explique-t-elle.
La réalisatrice avait un fort désir de travailler avec Golshifteh Farahani : "Elle a une puissance cinématographique hors du commun, à l’écran quelque chose d’étrange s’opère qui est difficile à expliquer mais qui relève selon moi de la magie. Le caractère taiseux de Selma exigeait cette cinégénie et ce charisme". Qui plus est, le parcours de vie de l’actrice iranienne raisonnait par endroits avec celui de son personnage.