Ce film, et l'on ne saurait nous en blâmer, on aurait vite fait de se moquer de lui. Et ce, pour trois raisons. La première étant que depuis 1939, les moyens de communication et d'information ont énormément évolué et il nous est plus facile d'être au fait quant aux diverses magouilles prenant racine dans les sphères politiques. Deuxième raison, on peut trouver l'évolution de Mr. Smith assez facile vis-à-vis de son métier. Prendre conscience des vices de la politique est une douloureuse expérience qui s'étale sur plusieurs années, on peut même chiffrer en décennies. Et, troisième raison : on pourrait aussi pointer du doigt la facilité du dénouement, ou plutôt, la facilité du déclencheur du dénouement. Mais, le plus judicieux, selon moi, est de se resituer dans le contexte de l'époque. Et là, c'est très clair, ce film est une oeuvre courageuse. Le peuple, à cette époque, ne soupçonnait pas une seconde que ses élus puissent s'adonner à des pratiques frauduleuses. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film a d'un côté, été un gros succès public, mais a rencontré de l'autre une forte hostilité de la part de la presse et même ailleurs. Cela dit, je me suis toujours demandé une chose : qu'est-ce qui a vraiment intéressé Capra quand il a fait ce film ? Bien sûr, épingler la politique était dans ses intentions, sinon, il n'aurait jamais fait le film de la sorte, mais était-ce là son combat premier ? Moi, je pense que la politique est ici une toile de fond pour dépeindre le combat d'un homme seul face à une majorité qui a décidé d'avoir sa tête. Et là, franchement, c'est du tout beau. Voir ce sénateur naïf et idéaliste se battre jusqu'au bout pour des causes qu'il estime justes, quel que soit le prix à payer, c'est quelque chose que je trouve admirable. C'est David contre Goliath, mais il n'y a pas qu'un seul Goliath, il y en a des centaines. Et, dans ce rôle complexe, James Stewart est immense, il éclabousse tellement. À tel point que même si cela avait dû être le seul bon film de sa carrière (ce qui n'est évidemment pas le cas), il aurait suffit à faire de lui une légende du cinéma. J'aimerais conclure en disant ceci : à tous les jeunes cinéphiles, ceux qui sont plus jeunes que moi (et j'approche tout doucement des 28 ans), n'ayez pas peur de vous lancer à la conquête de ces vieux film. Certes, ils ne sont pas immunisés contre le vieillissement, ils peuvent aussi donner l'impression de ne plus rien avoir à offrir, ou si peu, mais les qualités qui ont fait d'eux des grands films résistent toujours. Les grands films ne meurent jamais.