Je restais sur une expérience assez trouble de Capra avec La vie est belle, qui ne m'avait pas vraiment convaincu - je le trouvais un peu trop niais, trop simple, bref je ne devais pas être de bon humeur ce jour là si bien qu'il va falloir impérativement que je le revois. Ce Mr Smith au sénat, au contraire je suis totalement rentrée dedans, il m'a plutôt chamboulé, très émue en tout cas. Et ce pour les raisons qui m'avaient énervé dans La vie est belle. Comme quoi !
C'est qu'en fait ici, j'ai vraiment aimé la double dimension de l’œuvre de Capra : a la fois un amour du naïf, de la simplicité, une glorification du simplet appuyée par une mise en scène qui va dans ce sens; et, au fond, une critique acerbe, virulente et finalement très forte du pouvoir politique et du cynisme ambiant. Deux dimensions qui se rejoignent parfaitement, qui s'affrontent avec des armes différentes, mais qui toujours nous émerveillent.
Car Capra, sous ses airs un peu légers, me révèle qu'il est finalement un malin. Sa critique de la politique nous semble intemporelle. Sa réponse aux politicards qui se veulent pragmatiques est convaincante. La sacro-sainte et intouchable presse en prend aussi pour son grade. Finalement, il hésite pas à aller au charbon. A son honneur.
Pourtant tout est fait pour que la haine ne nous envahisse pas. C'est par l'absurde, la belle naïveté, les simples d'esprit ou les enfants que le message passe. Cela ne nous choque pas, cela nous touche. Capra manie comme personne les émotions dramatiques ou comiques, réussit a produire un conte instructif et idéal.
Et ce n'est pas que l'histoire qu'il manie bien, mais aussi son cinéma. Sa caméra est formidablement bien utilisée, la fameuse scène du chapeau est incroyable. Ses acteurs le sont tout autant. James Stewart est formidable dans son rôle d'idéaliste naïf mais finalement plus assuré qu'il ne le donne à voir. Jean Arthur est magnifique et touchante, sa voix me passe encore partout, touchante dans son rôle de femme mondaine qui petit à petit tombe sous le charme d'un homme rare; les autres personnages tiennent tout aussi bien leur composition, Harrey Carey président du sénat est très drôle ou encore Claude Rains est glacial dans son rôle mystérieux.
L’œuvre est peut-être parfois un peu surréaliste, parfois complètement idéaliste, mais Capra réussit mieux que personne, en balayant la complexité, à nous enchanter. Ça n'avait pas marché la première fois avec moi, ici je succombe sans difficulté. Peut-être que cette simplicité est d'ailleurs, une fois encore, symbole d'une grande âme, ou plus encore, un modèle d'optimisme que l'on ferait bien de suivre.