Psychomagie, un art pour guérir : les secrets du tournage

La psychomagie est née dans l'esprit d'Alejandro Jodorowsky au fil de ses expériences. Formé par le Mime Marceau pour lequel il a écrit certaines de ses plus célèbres pantomimes, Jodorowsky s'est ensuite essayé au théâtre. Marqué par le surréalisme et le futurisme, il a créé ce qu'il a appelé le "théâtre éphémère" : "Il s’agissait de proposer à une personne de faire quelque chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Un acte poétique, toujours constructif, jamais destructif. Très vite, j’ai senti que cela avait une vertu thérapeutique". Inspiré par la psychanalyse et par l'expression futuriste "la poésie est un acte", il a cherché une méthode pour guérir non pas par les mots mais par les actes : "la Psychomagie [...] a le même but, rendre à la personne la conscience de soi, éliminer ce qui l’empêche d’être soi. [...] J’ai envisagé la Psychomagie comme un acte guérisseur, qui permet de toucher en soi son véritable être". Cette thérapie artistique est gratuite et s'adapte à chaque patient. Chaque acte est différent du précédent.

Selon Alejandro Jodorowsky, il n'y a pas besoin de croire en la psychomagie pour qu'elle opère : "c’est une recette de cuisine qui n’est pas basée sur une foi quelconque mais sur l’obéissance. Tu te contentes d’appliquer ce qui est marqué sur la recette". Il précise : "Imaginons un jeune homme, que sa fiancée quitte pour un autre juste après l’achat du costume de mariage. Je vais lui demander de brûler ce costume, de récupérer une partie des cendres, de les mélanger à un verre de vin et de les boire. Voilà, il s’est vengé. Il peut guérir, parce qu’il a bu un symbole…"

Filmer un acte psychomagique relève de l'improvisation car il n'y a pas de répétition. Il s'agit de le saisir sur le moment et il n'est pas possible de refaire la prise. De plus, Alejandro Jodorowsky n'a aucun contrôle sur la manière dont les gens vont réaliser l'acte et sur leurs réactions. Ainsi, le film n'est pas un documentaire classique car tout se produit en direct. Le cadreur et chef-opérateur devait s'adapter et s'effacer quand il le fallait. Le réalisateur a fait appel à sa compagne, la plasticienne et designer Pascale Montandon-Jodorowsky : "Elle seule pouvait tenir la caméra et comprendre sans un mot ce que je voulais. D’un simple geste du petit doigt, elle comprenait où se placer. On avait mis au point un système codé, si je lui disais « Coupe ! Ne filme plus ! » elle savait qu’elle devait absolument continuer à filmer, car c’était le moment où la personne serait le plus naturelle".

D'ordinaire, Alejandro Jodorowsky fournit à ses "patients" les instructions à suivre pour procéder à l'acte psychomagique et les quitte. Pour les besoins du film, il assiste exceptionnellement aux différents actes. Malgré cela, il a tenu à rester le plus en retrait et le plus humble possible : "une partie de la guérison vient de ce que le guérisseur soit modeste, dénué de tout narcissisme. [...] Dans certaines scènes, vous avez remarqué que je ne suis pas à mon avantage physiquement ? C’est parce que je tenais à être filmé tel que je suis. J’ai l’air vieux, et alors ? Je suis vieux. Je ne me maquille pas, je me montre comme je suis et je parle comme un être humain".

Alejandro Jodorowsky se défend de guérir qui que ce soit ou de procéder à des miracles : "Je ne suis pas un gourou hindou qui te prend dans ses bras et accomplit un miracle. Pas du tout ! [...] Un acte de Psychomagie, c’est une graine que l’on met dans la terre en espérant que ça poussera. Si la terre est fertile, elle produira quelque chose. Si elle est empoisonnée, rien n’en sortira".