L’épisode d’ouverture de Black Panther était plutôt une bonne surprise, largement aussi bon que celui d’un Iron Man ou d’un Captain America en tout cas, mais je ne m’étais vraiment pas senti concerné par tout le ramdam politico-ethno-philosophique autour de ce blockbuster, qui restait à mes yeux un Marvel tout à fait ordinaire. Aujourd’hui, alors que la 5ème vague semble avoir du mal à décoller, alors que Thor et les Gardiens de la Galaxie continuent d’assurer le comique-troupier du MCU, Black Panther incarne aujourd’hui, presque seul, sa facette “Premier degré”. L’enjeu central de ce deuxième épisode était évident : parvenir à trouver une porte de sortie à la mort de l’acteur charismatique qui incarnait le super-héros au costume noir, sans recourir à un avatar numérique de mauvais goût. Je ne vais pas vous révéler qui endossera le costume à la fin (même si c’est d’une évidence absolue) mais le truc a l’air de passer moyen chez beaucoup de monde : il est vrai que ce personnage n’était pas majoritairement réputé jusqu’ici pour sa propension à faire le coup de poing mais après tout, ce n’est pas comme si tous les mécanismes narratifs de toutes les productions Marvel n’étaient pas souvent basés sur des choix aléatoires, éminemment discutables et toujours susceptibles d’être remis en cause ultérieurement. Ceci dit, voir ce personnage secondaire catapulté au premier plan est évidemment l’arbre qui cache la forêt de la Réaction car ‘Black panther : Wakanda forever’ est un blockbuster presque exclusivement féminin, dans lequel les protagonistes masculins sont, au mieux, très périphériques. Si vous ajoutez à ce constat que non contentes d’être des femmes, ces personnages sont des femmes noires, vous avez tous les ingrédients en main pour corroborer la théorie du complot selon laquelle Marvel, comme Netflix, sont dominés par des woke reptiliens et mondialistes adeptes du grand remplacement. Pourtant, rien de cela n’a beaucoup d’importance car ces personnages - Okoye, Shu’ri, la reine Ramonda - sont largement aussi classe et complexes que n’importe lequel de leur alter-égos masculins apparus depuis 2008 : je ne sais pas si c’est vraiment un compliment de parler de complexité dans le cas présent mais à l’échelle limitée des productions Marvel, c’en est pourtant bien un. D’autre part, le Wakanda reste un des rares environnements réellement originaux des Marvel contemporains et s’il y avait un regret, c’est surtout de ne pas pouvoir le découvrir suffisamment, hors des palais et des labos de ses élites. Pourtant, je ne peux pas affirmer être tombé sous le charme de ‘Wakanda forever’. Le problème n’est pas que le film s’inscrive et prenne pleinement parti, avec un empressement presque suspect, dans les débats de son époque, le problème c’est qu’une fois qu’on a déménagé tout ça…hé bien, ça résonne un peu à cause du vide, vous voyez ? A titre personnel, je suis un peu déçu par le traitement de Namor et du peuple de Talokan, qui ne parviennent jamais à s’imposer comme des antagonistes dignes de ce nom…mais c’est surtout que ‘Wakanda forever’ se montre plutôt modéré dans les scènes d’action tonitruantes, l’explication étant à chercher dans un projet marqué par le deuil et dans la volonté, consciente ou non, de faire ressortir cet élément dans le scénario, en multipliant les scènes intimes et introspectives, en examinant les moyens d’y faire face et les marqueurs de résilience. Sur le papier, je peux comprendre la démarche…mais c’est un coup à faire rejaillir hors de sa boîte l’éternel dilemme des productions Marvel : Est-il seulement possible d’aborder, sérieusement et avec intelligence, un sujet grave dans le cadre d’un Blockbuster pop-corn destiné à être vu par des centaines de millions de personnes ? Et surtout, est-ce que, moi, spectateur, je suis prêt à prendre au sérieux une telle tentative, qui ne pisse quand même pas bien loin étant donné que les centaines de millions de spectateurs en question doivent pouvoir se l'approprier ? En d’autres termes, est-ce que je suis prêt à troquer le “sauvetage de l’univers pour les Beaufs” par “Le deuil et la convergence des luttes pour les Nuls” ?