Mon père raconte l'histoire de Segundo, un garçon de 14 ans formé par son père à l’art du retable afin qu’il devienne à son tour artisan. Au cours de cet apprentissage, Segundo découvre l'orientation sexuelle de son père et doit apprendre à l’accepter également, au sein de la communauté traditionnelle des Andes du Pérou où ils vivent. Álvaro Delgado-Aparicio nous en dit plus sur l'origine du projet :
"Le concept d’héritage est présent depuis l’origine du projet : cette force invisible, transmise de génération en génération et inoculée dans notre peau sans que nous le sachions. Lorsque nous découvrons cet héritage, il est difficile de dire ce qui nous appartient à nous ou à ceux qui nous ont précédés. C’est une histoire sur la tentative de se libérer du fardeau familial, une expérience complexe que beaucoup d’entre nous ont peut-être déjà affrontée à un moment donné de la vie."
Mon père est le portrait d’une relation père-fils vue par les yeux de Segundo, le jeune protagoniste. L'intention première de Álvaro Delgado-Aparicio était de réfléchir et de comprendre ce qu’il se passe lorsque la figure paternelle que nous admirons s'effondre. Le metteur en scène précise : "Comment cela affecte-t-il la recherche de notre propre identité, quand on a 14 ans et que l’on vit dans une petite communauté isolée ? Car il y a à la fois ce sentiment de vide et de dépendance, qui peut rendre inconciliable les notions de tolérance et d’acceptation. Et au-delà de la relation de parenté, le film se plonge dans l’existence humaine de manière plus large, en termes de lutte comportementale, entre une voie moderne et alternative, et un ordre traditionnel et conventionnel. Beaucoup de ces questions ont commencé à me hanter, c'est pourquoi j'ai décidé de faire ce film."
Au centre du film, le retable est un art populaire andin sophistiqué fait de plâtre et de pommes de terre, présenté sous forme de boîtes à histoires portables qui illustrent des fêtes religieuses, historiques et culturelles. Álvaro Delgado-Aparicio explique : "Ce sont des portails de vie. Plus vous les contemplez, plus vous découvrez de détails qui changent la vision initiale que vous aviez eue. Je n'oublierai jamais la première fois que j'ai parlé à un maître de retables. Il m'a dit que nous avions un métier similaire, qu’il me fallait une caméra pour pratiquer mon activité, tandis que lui avait sa caméra dans sa tête. « Quand je vois quelque chose qui me touche, je dois fermer les yeux et prendre une photo dans ma tête, car c’est ce que je dois construire. » Je me souviens qu’en entendant cela, je l’ai trouvé fascinant parce que nous pouvons retrouver dans les retables les mêmes qualités qu’au cinéma. C’est ainsi que j'ai décidé de travailler avec cet artefact andin particulier."
Pour trouver Segundo, Álvaro Delgado-Aparicio a dû faire des auditions pendant cinq mois, et rencontrer 720 adolescents. Le réalisateur se rappelle : "Nous sommes allés dans toutes les écoles d'Ayacucho, dans plusieurs montagnes et villes, à la recherche de ce personnage. Trouver un jeune de 14 ans dans les Andes avec une expérience cinématographique et théâtrale était impossible. Nous recherchions un garçon qui, bien sûr, avait du talent, et qui sans doute ne le savait pas. Quelqu'un avec du courage et un grand potentiel pour aller dans des endroits, où il n’est jamais allé auparavant. Quelqu'un qui ne jugerait pas le personnage, mais le respecterait entièrement. Nous avons alors rencontré Junior Bejar Roca, et nous avons rapidement parlé à ses parents. Nous avons lu le script avec eux. Ils ont été touchés par l'histoire et tout ce que cela signifiait, car la plupart des sujets abordés dans l'histoire sont tabous dans les Andes."
Amiel Cayo, qui tient le rôle du père, est un acteur de théâtre célèbre dans les Andes, mais c’est aussi un artisan très connu pour les masques qu’il fabrique. La première fois que Álvaro Delgado-Aparicio l'a rencontré, le cinéaste ne voulait pas qu’il lise le script. "Je voulais le rencontrer dans son atelier et apprend re comment il fabriquait l es masques avec ses mains. C'était incroyable. Dès le départ, je sentais que c’était lui qui devait jouer le père de Segundo", se rappelle-t-il, en poursuivant : "Une fois que nous avions trouvé le père et le fils, nous avons passé près de deux mois pour créer un lien. Sans faire de répétition. Nous sommes devenus de très bons amis. Nous avions l'habitude de retrouver Junior après l'école et nous marchions beaucoup, jouions au football, rencontrions des amis, dînions chez ses parents. J'ai commencé à les laisser tranquilles et à leur confier différentes missions. L'une d'entre elles étaient de se rendre le matin à l'atelier d'un maestro de retables pour apprendre à en créer un, puis à en fabriquer un vrai. Ils ont développé très rapidement une grande complicité, avec leurs propres secrets. C'était drôle de les voir marcher de la même manière."