Le réalisateur James Mangold était attiré par le double défi que représentait ce projet : il pouvait mettre en scène des séquences de course palpitantes plaçant les spectateurs à l’intérieur des voitures, au plus près de ces pilotes intrépides, tout en retraçant la chronique de l’amitié tumultueuse qui liait Carroll Shelby et Ken Miles. Tous deux avaient des personnalités très fortes et différentes – Shelby était un homme coriace mais très sympathique ; Miles était ombrageux et d’une franchise brutale – mais ces deux hommes étaient unis par leur passion pour l’innovation et leur amour de la compétition.
Dans Le Mans 66, la clé a consisté à dresser un portrait naturaliste de la vie que menaient Shelby et Miles. À notre époque où l’image de synthèse est la base de nombreux films à succès, le réalisateur James Mangold trouvait essentiel d’adopter une approche de l’action fondée sur la réalité afin de mieux représenter les années 1960 et d’aider le public à comprendre ce que ces pilotes vivaient lorsqu’ils se poussaient à dépasser les limites, tant sur leurs véhicules que sur eux. Le cinéaste explique : "Aujourd’hui, l’action au cinéma se veut généralement spectaculaire et renforcée par des effets numériques. J’ai voulu au contraire quelque chose de profondément analogique, de réel et de brut. Je désirais montrer ce qu’il y a de séduisant dans ces bolides, la mécanique, les moteurs, le danger. Ces hommes roulaient à plus de 300 km/h coincés dans une fine coquille d’aluminium autour d’une piste. C’était un vrai miracle qu’ils aient une telle audace, un miracle qu’ils survivent dans de telles conditions. Et je voulais que les spectateurs puissent le ressentir aussi."
Même si de nombreux personnages historiques connus sont visibles dans le film, Le Mans 66 tourne essentiellement autour de la relation aussi étroite qu’agitée entre Carroll Shelby et Ken Miles. Dès le départ, James Mangold a su quels acteurs il voulait placer au cœur de l’histoire : "Matt Damon et Christian Bale sont tous deux incroyablement doués. Il y avait entre eux une camaraderie naturelle que j’ai sentie dès le début et qui se perçoit vraiment à l’écran." Selon le réalisateur, chaque acteur avait comme une sorte de lien personnel avec son rôle respectif. Il précise : "Matt a été une star de cinéma presque toute sa vie. Il porte en lui la célébrité et la notoriété de sa prestigieuse carrière, mais il est aussi confronté aux interrogations de tous les acteurs ayant atteint la quarantaine – que vais-je faire maintenant ? De la même manière que Caroll Shelby a dû se réinventer lorsque notre histoire commence."
Avant le tournage, Christian Bale s’est entraîné avec Robert Nagle, coordinateur des cascades et pilote chevronné. À l’écran, l’acteur conduit une Shelby Cobra et une Ford GT40. Le coordinateur des cascades et l’acteur ont passé une semaine à la Bob Bondurant School of High Performance Driving à Phoenix, en Arizona, spécialisée dans les courses.
Le Mans 66 a été tourné à l’été et au début de l’automne 2018 en Californie du Sud, en Géorgie et au Mans. Le réalisateur James Mangold a réuni une équipe avec qui il collabore régulièrement afin de l’aider à créer sa vision de la rivalité épique entre Henry Ford II et Enzo Ferrari. La production a également fait appel à plusieurs consultants qui avaient des liens personnels avec les événements du film pour apporter davantage d’authenticité dont Charlie Agapiou, l’ancien chef mécanicien de Shelby American, et Peter Miles.
Le chef décorateur François Audouy a été chargé de recréer plusieurs endroits réels pour le film, dont le siège social de Ford Motor Co. à Dearborn (Michigan) et les ateliers de Shelby American à Venice (Californie) puis plus tard à l’aéroport international de Los Angeles. Audouy a déjà travaillé avec James Mangold sur des films tels que Logan et Wolverine : Le Combat de l'Immortel. Il confie : "Jim a une vision très précise de l’histoire qu’il veut raconter. Ses films sont essentiellement axés sur les personnages, avec un style de mise en scène qui vous permet de rester dans l’intrigue. Cela signifie que les décors doivent être cohérents avec cet esprit, en phase avec le réalisme et la plausibilité, afin de maintenir le public dans ce monde qui a été créé comme par magie."
Pratiquement toutes les séquences du film ont été tournées en décors réels. Pour les premières scènes se déroulant dans la légendaire usine Ford connue sous le nom de Ford River Rouge Complex à Dearborn (Michigan), la production a tourné dans une ancienne aciérie centenaire du centre de Los Angeles. La structure de l’entrepôt de 1400 mètres carrés a été équipée d’une chaîne de montage et d’un système de bande transporteuse pour devenir la vaste usine d’assemblage des Ford Falcon de 1963. Les scènes d’usine ont nécessité la présence de 20 véhicules d’époque à divers stades de fabrication.
L’extérieur de l’usine Ferrari et l’intérieur du bureau d’Enzo Ferrari ont été filmés au Lanterman Developmental Center à Pomona (Californie). Les murs extérieurs et la cour intérieure s’harmonisent parfaitement avec la façade de l’entreprise à Maranello, en Italie. Le département artistique a construit une réplique exacte du bureau d’Enzo Ferrari avec des fenêtres donnant sur la cour où sont garées deux Ferrari : une réplique de la California Modena Spider 1961 et une véritable Ferrari 275 GTB Silver de 1966, empruntée à un collectionneur local. L’entrée originale de l’usine Ferrari est emblématique, et l’équipe décoration du film Le Mans 66 en a construit une réplique sur place. François Audouy déclare : "C’est comme les portes de King Kong ou de Jurassic Park : cette entrée est le symbole de Ferrari."
Pour recréer l’emplacement premier de Shelby American, Inc. sur Princeton Avenue à Venice (Californie), la production a trouvé un entrepôt en brique de deux étages avec une cour dans le quartier de Chesterfield Square à South Los Angeles. Les décorateurs ont fait remonter le temps à la structure vacante de plus de 1100 mètres carrés à l’aide de diverses pièces détachées et d’éléments de décors propres à un atelier mécanique : crics, clés à molette, magazines automobiles, mais aussi trophées, planches de surf et vélos. Pour compléter le décor, une douzaine de répliques de Shelby Cobra d’avant 1966, incluant un assortiment de MKI, de MKII et le roadster Shelby Cobra personnel de Carroll Shelby, ont été louées pour le décor.
Rick Collins, le coordinateur des véhicules, qui a collaboré entre autres à plusieurs films de la franchise Fast & Furious et à First Man, a travaillé étroitement avec François Audouy et ses directeurs artistiques pour s’assurer que les voitures qui étaient construites, empruntées ou louées étaient exactement celles utilisées à l’époque. Son équipe a dû les transporter dans tout le sud de la Californie et jusqu’aux lieux de tournage de la deuxième équipe, en Géorgie. Parmi les voitures d’époque que l’on peut voir à l’écran se trouve un Daytona Coupé en aluminium poli unique en son genre et qui est présenté sur le site de Shelby à l’aéroport de Los Angeles. Pour l’arrivée de Ken Miles au Mans, l’Automobile Club de l’Ouest a prêté plusieurs voitures historiques de son musée, dont une Ford GT40 MKI et une Peugeot CD SP66 extrêmement rare puisqu’il n’en existe plus que trois dans le monde.
La plupart des voitures de course du film Le Mans 66 ont été fabriquées par Superformance, un atelier de voitures de collection haut de gamme situé à Irvine (Californie), spécialisé dans les répliques des modèles des années 1960. JPS Motorsports à North Hollywood a construit plusieurs copies de Porsche Speedster vues dans la scène de course de 1963 sur le circuit international de Willow Springs, là où Carroll Shelby et son équipe ont opposé leur premier modèle d’AC Shelby Cobra à leur plus grande concurrente de l’époque, la Chevrolet Corvette. La propre équipe de Rick Collins, qui travaille depuis longtemps à l’atelier automobile du film à Sylmar, a construit des Corvette pour ces scènes. En tout, 34 voitures de course personnalisées ont été préparées pour les besoins de la production.
Avec autant de courses réputées montrées dans Le Mans 66, il était essentiel de distinguer visuellement chaque séquence de manière à faire avancer l’histoire. Le créateur des costumes Daniel Orlandi, qui, comme François Audouy, avait travaillé avec James Mangold sur Logan, a effectué des recherches approfondies sur l’époque et le monde des courses pour s’assurer que ses créations étaient historiquement correctes. Il a également collaboré étroitement avec le chef décorateur pour mettre en place une palette de couleurs pour chaque course. Le chef costumier précise : "Nous avons regardé des images du Mans en 1966, en 1959, des images de Willow Springs, et j’ai lu tous les livres sur Carroll Shelby et Ken Miles. Travailler sur une histoire mettant en scène de vraies personnes implique nécessairement beaucoup de recherches. Il faut être aussi authentique que possible."
James Mangold et le directeur de la photographie Phedon Papamichael - qui avaient déjà travaillé ensemble sur cinq films dont Walk The Line, 3h10 Pour Yuma et Night And Day - ont opté pour une approche traditionnelle qui appuierait la narration. Le drame sportif de 1966 Grand Prix avec Yves Montand et le film de 1971 Le Mans avec Steve McQueen ont servi de références. Phedon Papamichael confie : "Notre inspiration visuelle vient davantage des films des années 60 et 70 que de la forme moderne des films de course automobile. C’est à dire pas de mouvements exagérés, une certaine forme d’intimité via l’utilisation de gros plans, et on conserve en permanence le point de vue d’un personnage. Nous nous sommes efforcés de nous en tenir aux techniques de prise de vues de l’époque."
Pour obtenir des plans rapprochés et des gros plans pendant les nombreuses séquences de course, Le chef-opérateur Phedon Papamichael s’est servi de supports caméra spécifiques et de véhicules spéciaux. Il explique : "C’était très difficile de filmer nos acteurs. Nous ne pouvions pas toujours travailler à la vitesse réelle de la course, et nous ne voulions pas trop nous appuyer sur les effets numériques. Nous nous sommes efforcés de faire le plus possible de choses en direct, à la caméra, en la fixant réellement sur les voitures de course. Cela offre aux spectateurs une expérience beaucoup plus réaliste - bien entendu aux acteurs aussi – car ils encaissent les forces d’accélération et les vibrations, ce qui rend la sensation beaucoup plus intense."
La séquence la plus difficile à tourner a été de loin la reconstitution de la course des 24 Heures du Mans de 1966, une entreprise d’envergure tant pour la préparation que pour le tournage. "Cette course constitue les 40 dernières minutes du film, et je voulais vraiment qu’on ait l’impression d’être tassé dans l’habitacle, cramponné au volant, que l’on vive la course, ces 24 heures, la fatigue, l’adrénaline, la détermination de conduire plus vite que tous les autres concurrents sur une durée qui dépasse de loin votre capacité à rester éveillé", explique James Mangold.
Pour cette course du Mans 1966 qui dure une journée sur circuit routier, l’équipe technique a dû trouver des paysages de campagne qui ressemblent à la vallée de la Loire – une recherche qui les a finalement menés dans des villes rurales de Géorgie – ainsi qu’un endroit pour ériger les immenses tribunes et les stands du Mans. François Audouy explique : "Cela a demandé des mois et des mois de travail. Il fallait tout coordonner, les voitures que l’on voit à l’image, les cascades, les effets visuels, la prévisualisation, les storyboards. C’est vraiment une séquence titanesque. Aucun autre film à ma connaissance ne comporte une course de voiture d’une telle ampleur !"