Sergei Loznitsa est un réalisateur un peu difficile à cerner : biélorusse et ukrainien, vivant en Allemagne, réalisant des documentaires et des films de fiction. Je l'avais découvert il y a 8 ans avec un film que j'avais trouvé excellent : "My joy". Impression confirmée avec le long métrage de fiction suivant, "Dans la brume", en 2012. Puis, 5 ans se sont écoulés avant son 3ème long métrage de fiction, "Une femme douce", moins enthousiasmant que les 2 premiers, mais faisant quand même partie, à mon avis, des meilleurs films de 2017. Et voici "Donbass", présenté à un Certain Regard de Cannes 2018 où il a obtenu le Prix de la mise en scène de cette sélection. Le titre du film permet de situer sans ambiguïté la région du monde dans laquelle se déroule l'action : La république populaire de Donetsk, État sécessionniste de l'Ukraine autoproclamé à Donetsk le 7 avril 2014. Une région où il est très difficile de se faire une opinion sur ce qui se passe. Par exemple, dès cette sécession, les rebelles russophones demandent le rattachement de cette république populaire autoproclamée à la Russie, mais cette dernière ne donne pas suite à cette demande !
"Donbass" s'apparente à un film à sketchs, avec 13 histoires différentes se déroulant dans le Donbass en 2014 et 2015. Un film qui déborde de richesses, un peu trop, même ! On y parle de corruption organisée, de lâcheté de la foule, de lynchage, d'appartements insalubres sans électricité, de reportages télévisés "bidonnés" avec de faux témoins, de journalistes allemands traités de fascistes, de bureaucrate réquisitionnant une voiture au nom du patriotisme, etc. Pour nous, complètement à l'ouest de l'Europe, le message de Loznitsa n'est pas forcément très clair si ce n'est qu'on sent qu'il ne porte pas trop Poutine dans son cœur. On peut souhaiter que ses prochains films soient plus universels dans leur approche, mais il n'empêche que, avec ses beaux plans séquence assez longs, avec la grande énergie qu'il dégage, avec son mélange détonnant de drame et de bouffonnerie, "Donbass" est, cinématographiquement parlant, une œuvre très accomplie.