Un film choc, certes à charge contre les indépendantistes pro-russes du Donbass, mais qui n’élude pas les pertes infligées par l’armée ukrainienne. Il est remarquable car montrant l’absurdité de cette guerre, qui plus est civile et de toutes les guerres. Le réalisme des situations, souvent filmées en longs plans séquences, lui donne un côté documentaire saisissant, notamment par la succession de saynètes en différents endroits du Donbass et dont l’un des protagonistes, changeant à chaque fois, sert de fil conducteur avec retour au point de départ (générique final défilant sur un plan fixe général glaçant). C’est une farce, grinçante, noire, tragique qui n’épargne pas les habitants du Donbass en montrant leur lassitude (
dans une maternité où la nourriture et les médicaments sont détournés, dans les abris, sans eau ni électricité
), leurs faiblesses (
matériel informatique défaillant, absence de chefs parmi les soldats engagés
), leurs mensonges (
recours à des figurants pour témoigner, comme victimes, devant la télévision
), leur bêtise (
recherche de subsides pour une association dédiée à Saint-Théodose et qui souhaite récompenser les héros, mariage sous les instances d’une représentante de la Nouvelle-Russie
), leur cruauté et leur violence, leur corruption (comme dans toute l’Ukraine), leur vision simpliste du monde (eux et les autres, forcément fascistes, leur permettant d’exister) et l’irruption de multiples petits chefs autoproclamés, dont l’uniforme ou un brassard leur permettent tout :
femme soldat insultant des hommes passagers d’un car et les forçant à se mettre torse nu en plein hiver, lynchage d’un Ukrainien qualifié de punisseur (apparemment simple cuisinier), appropriation de voitures et racket auprès de leurs propriétaires au profit de la cause séparatiste
. Un film prémonitoire avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février 2022.