L’Autre continent explore la face cachée de l’amour, celle qui doit faire face aux responsabilités qu’ont les amants l’un envers l’autre. En ce sens, le départ des deux Français vers l’Asie représente de manière allégorique le passage de l’insouciance à l’âge adulte, leur rencontre dans cet ailleurs équivalant à un choc des personnalités, un choc communicationnel qui puise dans les différentes langues vivantes pratiquées les manières de dire je t’aime. Le film repose sur la mise en commun des langues au profit de la reconstruction d’un langage qui n’appartient qu’à Maria et Olivier : langage verbal, certes, mais aussi corporel, grâce aux entraînements de basket, aux relations sexuelles qui les passionnent ou, à terme, les massages capables de rétablir le contact, de tirer le malade de son coma pour le raccorder à l’existence. Et pourtant, le langage secret des amants ne suffit pas. L’Autre continent file la métaphore de l’autre comme continent insondable, que le séjour hospitalier laisse éclater au grand jour : je ne suis pas lui, il n’est pas moi, et en dépit des arrangements faits par amour et pour l’amour, l’écart demeure, telle une étendue entre deux rives qui se regardent, se comprennent mais ne se rassemblent pas. Le personnage le plus intéressant du long métrage est celui de Maria, interprété à la perfection par Déborah François : sur son visage naissent l’amour et la douleur, l’espoir et le découragement, la lucidité enfin. Les jours heureux sont derrière nous, qu’y faire ? La dynamique du film est celle d’une dégradation, d’un glissement de terrain qui ébranle les fondations construites par le couple : l’amour s’entache de la même manière que la robe de mariée est souillée dans la cabine d’essayage. Il faut arrêter, redémarrer, repartir. Ne pas salir la mémoire des jours heureux, y retourner par l’imagination des lieux. Œuvre forte et mature, L’Autre continent travaille le flou comme un moyen de figurer la netteté, de représenter, cerclée de contours incertains, une cartographie de la mémoire de l’amour.