Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2019.
Après Train de nuit réalisé en 2007, Diao Yinan voulait faire un polar, étant fan "d'oeuvres noires" occidentales des années 40 et 50. Ce genre se prête selon lui à l'expression personnelle d'observations sur les hommes et sur la société. L'histoire du Lac aux oies sauvages était déjà dans sa tête alors que Black Coal n'avait pas été tourné mais elle n'était pas assez aboutie à ses yeux. "C'est alors que les médias ont rapporté une histoire similaire : mon idée n'était plus une hypothèse littéraire, elle était passée dans la réalité. Je me suis mis à l'écriture du scénario, qui a duré deux ans, en veillant beaucoup à l'ancrage de l'histoire dans la réalité", raconte-t-il.
Le film s'inspire d'un fait divers : ainsi, une véritable "Assemblée nationale des voleurs" s'est tenue à Wuhan en 2012. Alors que la police arrivait sur les lieux pour les arrêter, ils étaient en train de se répartir les territoires de la ville. "Quand j'ai lu cette histoire, j'ai éclaté de rire et j'ai trouvé que ça ferait une scène formidable, satirique au possible", se souvient le réalisateur.
De même, si certaines scènes baignent dans une ambiance onirique, elles ne sont pas pour autant toutes inventées. La scène du zoo par exemple s'inspire d'un évadé qui s'était caché dans l'enclos des éléphants du zoo de sa ville. "J'aime beaucoup cette histoire, très contemporaine dans son mélange de réel et de surréel, et je n'ai pas résisté à l'envie de l'utiliser dans le film", déclare Diao Yinan.
La première image qui est venue au réalisateur était celle d'une rencontre d'un homme et d'une femme dans une petite gare de banlieue, un soir de pluie. Cette idée donnait le ton du film et l'a tant obsédé qu'il a décidé qu'elle ferait l'ouverture du film.
La construction en flashbacks s'est imposée naturellement au réalisateur : cela correspondait à une envie d'écriture qu'il avait et découlait de la scène d'ouverture (la rencontre dans la gare). Pour Diao Yinan, "le flashback permet une certaine distanciation, comme dans le cas des narrateurs de Brecht, qui interrompent le flux du récit pour nous rappeler à la raison. J'ai aussi repensé à la structure des Mille et une nuits, ce très vieux texte qui peut avoir un usage très moderne".
Outre le polar, le film s'inscrit dans le genre du jianghu ("rivières et lacs"), mot qui désigne toutes les catégories "en marge" de la conformité sociale, des chanteurs de rues et chevaliers errants de la Chine ancienne à la pègre et aux gangsters.
Le cinéaste a cherché à associer la femme et l'eau, inspiré par le souvenir de photographies qu'il avait vues. La figure de la baigneuse s'est naturellement imposée : il s'agit d'une forme de prostitution bon marché qui existe dans les villes balnéaires.
Le casting mêle acteurs professionnels et non-professionnels. Le duo principal est tenu par des comédiens professionnels qui ont dû apprendre le dialecte de Wuhan. Les acteurs non-professionnels ont travaillé en ne connaissant que le plan de travail du lendemain : "Je ne voulais pas qu'ils se "préparent", plutôt qu'ils marchent à l'intuition. Ils ont eu une influence décisive sur les comédiens professionnels, ils les ont amenés à eux, et non l'inverse", explique le réalisateur.