L'Adieu à la nuit est né d'une convergence de plusieurs éléments. Parmi eux, le livre de David Thomson ("Les Français jihadistes"), recueil d’entretiens très bruts de jeunes Français partis en Syrie faire le jihad. André Téchiné précise : "Il y avait aussi la question du regard d’une personne de ma génération, d’où la présence de Catherine (Deneuve), avec cette complicité et ce désir de renouvellement qui nous lient depuis longtemps. Je souhaitais un champ/contrechamp entre Catherine et ces dialogues bruts de jeunes jihadistes prélevés directement dans le réel. Enfin, il y avait aussi le motif de la transition juvénile qu’est l’adolescence, avec cette grand-mère qui découvre un aspect de la post-adolescence qui a pris un visage terrifiant."
Avec L'Adieu à la nuit, son 26ème long métrage, André Téchiné retrouve Catherine Deneuve pour la huitième fois. Le célèbre metteur en scène refait également à nouveau équipe avec le jeune et très actif Kacey Mottet Klein, qui était l'un des personnages centraux de Quand on a 17 ans (2016). Le reste du casting principal est composé de Oulaya Amamra (héroïne de Divines), Stéphane Bak (Le Ciel attendra, un autre film sur la radicalisation) et Kamel Labroudi (Des Apaches).
Avec L'Adieu à la nuit, André Téchiné aborde un sujet difficile qui est l'objet de multiples polémiques dans les médias : la radicalisation religieuse. Le metteur en scène raconte : "Pour ces adolescents attirés par le jihad, il y a un « désir furieux de sacrifice ». Je trouvais ça certes brûlant, mais aussi susceptible de ne pas intéresser que moi, mais tout le monde. C’est un sujet clivant et ouvert à la fois. Et ce film ne représente que mon regard sur ce sujet, c’est une proposition de fiction. Quand des adolescents prennent ce nouveau visage « monstrueux », cherchent un nouvel enracinement, c’est comme une conversion maléfique dans un pays inconnu. Cinématographiquement, cela m’amenait vers une dimension de fantastique intérieur."
L'Adieu à la nuit est le sixième film consécutif de André Téchiné avec le directeur de la photographie Julien Hirsch. Le cinéaste explique au sujet de cette collaboration : "Longtemps, je tournais avec deux caméras. À un moment, j’en ai eu marre, ça devenait un système. Et puis il fallait faire des économies budgétaires. Avec Julien, avec qui j’ai commencé à collaborer sur Les Temps qui changent, j’ai donc abandonné les plans séquences à deux caméras. Mais pour éviter le caractère mécanique de la répétition des prises (allez, on la refait !), nous avons décidé de changer de grosseurs de cadres et de mouvements d’appareil à chaque nouvelle prise. On ne reproduit jamais le même plan. On ne vise pas la maîtrise, la perfection, mais l’accident heureux, le hasard fécond, le tremblement."
Oulaya Amamra, qui avait joué l’héroïne fougueuse de Divines, incarne ici Lila, amoureuse d'Alex. André Téchiné raconte à son sujet : "Lila est joyeuse, rieuse, ce qui contraste avec l’humeur plus sombre d’Alex, elle s’occupe avec soin et tendresse des pensionnaires de la maison de retraite où elle travaille… Il y a un mélange d’humilité, de gaieté et d’obstination farouche dans son interprétation. Lila est éperdument amoureuse d’Alex, mais dans une perspective très guerrière : elle serait heureuse et fière si Alex mourrait en combattant. Pour elle, la mort n’est pas une mélancolie. Pas de deuil à l’horizon. La mort est vue comme une vie au ciel plus parfaite et désirable que la vie terrestre."
L'Adieu à la nuit est un film "renoirien" au sens où André Téchiné ne juge pas ses personnages. Les deux jeunes joués par Kacey Mottet Klein et Oulaya Amamra font des choix funestes et condamnables mais, en même temps, le réalisateur les montre habités par un idéal romantique. Parallèlement, la grand-mère est un personnage bienveillant mais qui a aussi ses zones d’ombres. André Téchiné précise :
"On s’identifie forcément plus facilement à Muriel, la grand-mère jouée par Catherine. Quand elle prévient la police, c’est un geste de délation mais surtout un geste salvateur, protecteur. J’ai essayé d’éviter la caricature, j’ai recherché la complexité morale en dressant un constat. Concernant Alex (Kacey Mottet Klein) et Lila (Oulaya Amamra), le processus de déshumanisation dans lequel ils s’engagent est terrifiant, mais en même temps, ils restent humains. À la fin, c’est la liberté de chaque spectateur d’être triste ou soulagé quand le rêve toxique de ces jeunes s’effondre avec l’arrestation."