Premier long métrage pour Ari Aster après 6 courts qui ont su faire sa réputation. Hérédité est également produit par la compagnie A24, spécialisée dans les films de genre (du drame à l’horreur), et qui fait parler de plus en plus d’elle Outre-Atlantique. Cocktail étonnant, mais donc peu surprenant, de voir un réalisateur, renouveler le genre avec une maturité impressionnante et un aplomb qui frôle le génie, dans une production cinématographique qui peine à se renouveler, et/ou, prendre des risques. A24, c’est un peu ça.
Pour apprécier cette proposition il faudra laisser de côté tous les clones du genre vu récemment en salle et se tourner vers un cinéma trauma et psychologique qui rappelle évidemment une bonne partie de la filmographie de Roman Polanski, référence qui saute aux yeux ici, voire Nicolas Roeg, quitte à ne pas trop s’en détacher. Sauf que repris en main par un metteur en scène avant-gardiste, un peu à la manière d’un David Robert Mitchell, It Follows, voire d’un Trey Edward Shults, It comes at night, qui dans leur aspect minimaliste, maîtrisent pleinement l’univers qu’ils filment et le renouvellent.
L’angoisse au portillon, la peur en filigrane, Hérédité distille tout ça sous couvert de drame familial ; le film prend son temps à installer le malaise. Ari Aster utilise tous les détours qu’il peut pour surprendre le spectateur sans jamais inscrire le genre qu’il filme dans une mise en scène convenu et réinvente le genre comme avait pu le faire, d’une autre manière certes, William Friedkin avec L’Exorciste. Ici, on joue de la folie, de la psychologie, de la croyance et des religions, le tout mixé avec habileté, dans une angoisse permanente. Jouant des axes narratifs habituels (quel est vraiment le personnage principal du film finalement !?...) Aster ballade son petit monde avec un malaise constant, en perturbant constamment la lecture qu’on peut faire de l’histoire, où le surnaturel se conjugue avec le fantastique horrifique. Ici, pas de monstres derrière la porte du frigo, enjeux dramatiques nouveaux, tout est repensé pour semer le doute entre folie et fanatisme. Le tout dans une mise en scène qui subjugue par tant de qualité, mouvements et cadres des espaces ultra soignés. A ce titre, les nombreuses idées de réalisation confirment le fait que la maison principale a totalement été construite en pensant « mise en scène » en lieu et place de prendre une maison déjà existante. Un ravissement pour l’œil. En plus d’enjeux dramatiques importants et parfois totalement flippant, Ari Aster est un très bon directeur d’acteurs avec Toni Colette et Gabriel Byrne dans la parfaite tonalité, et même plus quand la folie furieuse pointe son nez.
Hérédité n’est de fait pas un film pour tous, ici tout se joue sur l’ambiance, le cachet que donnent les acteurs au film de par leur jeu et une mise en scène culottée dans son fond comme dans sa forme. Entre paranoïa, folie douce et séances sataniques, Ari Aster livre un drame familial sous couvert de fantastique, et son inverse. Pas simple d’accepter cette proposition, tout est lent et mise sur l’ambiance, mais une fois pris au piège, le film de par sa qualité graphique et sa puissance sous-jacente délivre au spectateur une angoisse persistante bien après séance. requiemovies.over-blog.com