Au terme d’un projet au long-cours comme celui ci porté à bout de bras par un franc-tireur influencé par les Surréalistes, on est partagé entre la satisfaction d’avoir visionné quelque chose de radicalement différent, et le constat que ce film un peu fou prend quand même l’eau très rapidement. Oui, un peu comme le film d’Arielle Dombasle mais en version sous crack plutôt que sous acide. En apparence, il pourrait presque passer pour un nanard fauché et pourtant, tout dans ses effets de mise en scène témoigne de ce refus de faire miteux ou au contraire gratuitement tapageur, qui caractérise encore trop souvent le Genre à la française, jusque dans ses (rares) effets spéciaux qui ne sont pas (toujours) à dédaigner...sans oublier qu’il ne s’en sort pas mal sur le fond, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une version longue du court-métrage remarqué à Sundance, ‘Un ciel bleu presque parfait’. ‘Tous les dieux du ciel’ veut édifier, émouvoir même, en présentant un amour authentique mais dérangeant, celui d’un homme forcé de s’occuper de sa soeur dont il a causé le handicap et qui s’est réfugié dans une sorte de foi paranoïaque selon laquelle tout fait partie d’un plan concocté par des êtres venus d’ailleurs. ‘Tous les dieux du ciel’ veut déranger, avec ses gueules improbables qui parsèment le film, et ses quelques scènes dont on aurait du mal à croire qu’elles n’avaient pas dans l’idée de sabrer dans le conformisme ambiant, comme lorsque le frangin engage un gigolo très mal à l’aise pour s’occuper des besoins charnels de sa soeur, pourtant immobile et silencieuse dans son lit de malade. On ne se décidera jamais vraiment quant à savoir si le drame rural sordide prend le pas sur l’aspect possiblement surnaturel du scénario, ou si c’est la déviance de plus en plus marquée de Simon qui doit capter l’attention mais dans tous les cas, à trop creuser de possibilités sans vraiment les approfondir, le scénario s’égare en cours de route...et puis, dans ce cas très précis, c’est peut-être mieux de ne pas chercher à tout passer au crible de l’analyse. On remarque évidemment Jean-Luc Couchard, dont la prestation sombre et maniaque devrait surprendre ceux qui en sont restés à ‘Dikkenek’ et encore plus le mannequin Mélanie Gaydos, atteinte d’une maladie génétique rare qui lui confère ce physique ultra particulier qui produit exactement l’effet escompté : faire éprouver au spectateur un malaise vis-à-vis du propre malaise instinctif qu’il ressentira, alors même que le réalisateur déploie tous ses efforts pour la faire passer de victime à conquérante qui se saisit du pouvoir. On croit à tout moment que ‘Tous les dieux du ciel’ va se vautrer dans le ridicule mais, miraculeusement, il parvient à tenir en un seul morceau du début à la fin, même si on haussera quand même énormément de sourcils face à certains errements incompréhensibles de Quarxx ou à certains acteurs qui ont l’air de se demander ce qu’ils font là. S’il réussit à jouer sur deux plans a priori incompatibles, je ne pense pas qu’on puisse le qualifier de chef d’oeuvre du Fantastique, ou même simplement de projet passionnant (sur le papier, il l’était ; dans l’exécution, c’est moins évident)... mais plus marquant que tous les films qui boxent dans sa catégorie, dans ses atouts comme dans ses faiblesses, ‘Tous les dieux du ciel’ l’est incontestablement.