Si jamais vous deviez tomber sur ce film, n’allez pas imaginer que vous êtes devant un conte de Noël. Vous en êtes même très loin. "L’arbre de Noël" est un film d’une extrême gravité, portant sur un sujet dont personne n’est à l’abri, où qu’il soit sur notre bonne vieille planète. Alors je ne sais si c’est par désir volontaire de balayer les frontières de la part des producteurs ou si c’est le pur fruit du hasard, mais le fait est que la distribution est relativement cosmopolite face à un sujet aussi universel : celui de la maladie incurable. S’appuyant sur le roman éponyme de Michel Bataille, Terence Young surprend son public après des réalisations telles que les premiers James Bond. Là où est l’ingéniosité, c’est d’implanter un contexte parmi les plus banals. Des gens riches, apparemment à l’abri de tout mauvais coup du sort, et apparemment sans antécédents de santé particuliers. D’ailleurs tout s’annonce sous les meilleurs auspices : l’été est arrivé, et le richissime Laurent Ségur accueille son fils sur un quai de de gare. Quoi de mieux que de filmer des retrouvailles sur un quai de gare ? Les scènes quotidiennes sont à elles toutes seules des courts-métrages emplis d’émotions : tantôt les adieux sont déchirants, tantôt les retrouvailles sont emplies de bonheur, et je ne parle même pas des scènes d’amour ! Là, c’est juste un moment de joie intense mal contenue, ne laissant absolument rien présager de ce qui va suivre. Composé par le très charismatique William Holden, le surprenant Bourvil, et le jeune Brooke Fuller, ce trio étonnant emmène "L’arbre de Noël" sur le chemin de la réflexion, de l’humilité, du courage, et des questions que certaines personnes devraient se poser plus souvent. Alors certes ce long métrage a pris un coup de vieux dans son image, dans le jeu un peu trop théâtral du jeune Brooke Fuller (un jeu pourtant empli de cette éternelle insouciance que tous les parents envient à leurs jeunes enfants). Mais "L’arbre de Noël" reste malgré tout d’actualité, quelle que soit l’époque de l’année, quel que soit le niveau de vie des personnes concernées, quel que soit l’endroit. Je vous l’ai dit plus haut : il n’y a pas de frontières pour ce genre de chose. D’autant plus que les questions demeurent, toujours en attente de réponse : "qu’on envoie des gens sur la lune, mais qu’à côté de ça on n’a ni le temps ni l’argent pour une recherche sérieuse pour sauver des vies, que chaque fois qu’on lance une fusée spatiale, on dépense autant d’argent que pour construire cinq hôpitaux". Eh oui… aujourd’hui nous en sommes même réduits à laisser fermer des hôpitaux… Alors comment garder la foi ? Comment garder la foi en une époque créatrice d’engins de mort ? Question déjà présente dans l’œuvre littéraire…Tout cela est porté à l’écran avec un réel souci de réalisme, à une époque où on ne cachait pas encore les marques d’alcool lors du tournage. Je concède qu’il y a quelques maladresses, comme cette Rolls Royce garée devant un zoo en plein milieu de la nuit : c’est d’un discret… Mais réfléchit-on à la conséquence de nos actes devant une fin annoncée comme étant inéluctable ? J’en profite pour préciser que si vous pensez cette scène un peu exagérée
(c’est vrai quoi, aller voler des loups : non mais n’importe quoi !)
, eh bien elle est dans le roman. William Holden a un sacré charisme, mais ça on le savait déjà. C’est ce qui lui a permis de savoir interpréter un homme qui prend conscience de ses devoirs de père, avec les inévitables maladresses qui vont de pair. Le plus surprenant est très certainement Bourvil, lui qui a affolé les télévisions à chacune de ses apparitions, que ce soit à travers des films, des sketches, ou encore des chansons. Inoubliable Bourvil… (soupir…). Mais on le connaissait moins, voire pas du tout, dans un registre dramatique, ni même carrément mélodramatique. Oh il nous régale bien de quelques-unes de ses fanfaronnades dont lui seul a le secret, mais quand même : il réussit à nous soutirer quelques frissons, notamment lorsqu’il apprend la terrible nouvelle. Sans doute, se sentait-il concerné, puisque lui-même avait appris qu’il était atteint d’un cancer dès la fin du tournage "Les cracks". Alors un enfant… En somme, c’est Bourvil qui constitue le principal intérêt artistique de ce film. Seulement il faut parler du quatrième larron, qui est en fait une larronne : Virna Lisi qui cependant, est restée en retrait. N’importe qui à sa place en aurait fait autant, car il est si difficile de se placer… alors oui son personnage a été développé avec beaucoup de justesse et de crédibilité. Non, vraiment… "L’arbre de Noël" est un joli film tout simple qui ne paye pas de mine, montrant les choses avec la franchise héritée du médecin en charge du jeune Pascal. Je crois que c’est aussi bien ainsi. Des fois, rien ne sert d’enjoliver les choses, et Terence Young l’a parfaitement compris. Mieux : avec ses acteurs, il nous donne une belle leçon d’humilité et de courage.