La Beauté du diable est considérée comme un classique du cinéma français d’après-guerre, et un des grands films de René Clair. Sincèrement, plutôt enthousiaste au début, le film m’apparait au final assez moyen. Plutôt pas mal, mais moyen malgré tout.
La faute d’abord à une histoire qui peine à avancer. On évolue un peu dans la ouate avec ce film qui manque de scènes vraiment forte, et qui distille un récit à la narration lente, avec l’impression de séquences qui trainent en longueur, spécialement dans la deuxième partie du film. Toutes les scènes qui tournent autour de Simone Valère, et plus largement de la romance de Gérard Philipe sont longues, et manquent de vie. On ne ressent pas franchement l’histoire d’amour, et j’ai eu le sentiment parfois d’un film très ciselé qui, comme bien des films comme cela, peine à laisser passer la flamboyance des sentiments et la fureur baroquisante de ce qui se trame. La Beauté du diable est donc un film appliqué, qui se laisse suivre, mais aux dialogues un peu théâtraux, et surtout qui mise beaucoup sur le didactisme des échanges et bien moins sur l’image pour dire les choses. C’est assez dommage pour cette relecture du mythe de Faust.
D’autant que l’image est travaillée, mais c’est vrai qu’elle n’apporte pas grand-chose au récit. De beaux décors, un noir et blanc soigné, des effets visuels discrets mais convaincants, René Clair livre un film carré et appliqué, avec une mise en scène solide mais toujours touchée un peu par son manque de vivacité. Les scènes de danse, le transport des sentiments, et même certains moments clés comme la première apparition de Méphistophélès, tout cela est filmé un peu trop platement par René Clair. Si on peut difficilement trouver à redire d’un point de vue technique, ce n’est pas spécialement imaginatif ou audacieux. Il y a quelques exceptions, celle où Gérard Philipe découvre son avenir par exemple.
Le casting est bon. Gérard Philipe et Michel Simon, voilà un face à face surprenant, et en mesure de faire des étincelles. Gérard Philipe forme un duo convaincant avec Simone Valère, autre jeune première charmante, et je dirai qu’ils collent bien à l’imagerie romantique que l’on se fait de Faust, et que semble induire ici les décors. Michel Simon est très bon aussi, c’est un acteur talentueux et toujours imposant, mais à la limite il tranche un peu avec l’approche du film. Comme pas mal d’acteurs à la truculence relativement écrasante, je pense par exemple à Louis de Funès, leur jeu peut être aussi positif pour un film que négatif si le métrage n’a cure de cette truculence. J’ai le sentiment que dans l’univers très appliqué, soigné et maitrisé de René Clair, Michel Simon en fait un peu trop et apporte parfois une forme de comique, volontaire ou non.
Maintenant, ce serait exagéré de dire qu’il n’est pas bon, et au contraire certains trouveront même qu’il apporte un soupçon de cette verve qui manque par ailleurs au film de Clair. J’aurai préféré que Simon ne soit pas le seul à la porter.
La bande son est bonne, mais il n’y a pas beaucoup plus de commentaire à faire la concernant.
Je conclurai en saluant un film élégant, mais auquel René Clair a eu du mal à imposer une réelle profondeur, une réelle force. La dramatisation reste un peu ténue l’histoire d’amour n’a pas un relief particulier, et le côté théâtral revendiqué et audible dans les dialogues par exemple, n’aide pas vraiment à donner du volume au métrage. Reste une bande agréable à suivre et visuellement peu critiquable, mais ce n’est pas un pilier comme je l’imaginais. 3.