Ce sont peut-être les meilleures cinq premières minutes de cinéma de 2019 : un homme et une femme décrivent tout ce qu’ils admirent chez leur conjoint, ces grandes qualités et ces petits défauts qui font de lui ou d’elle quelqu’un d’unique, et qui expliquent pourquoi c’est lui et elle, et pas un ou une autre. A peine-a-t-on le temps d’y retrouver avec le sourire des détails de son propre couple que le cadre se révèle dans toute sa cruauté : visage fermé, yeux rougis, ton acerbe, ils sont en train de divorcer et l’éloge panégyrique était un simple exercice chez le médiateur conjugal. Alors que les aspirations divergentes entre en collision, ce sont les certitudes que la situation pourra se résoudre dignement, entre adultes raisonnables, qui s’effondre, remplacée par la méfiance, le ressentiment trop longtemps tu et la haine. Le couple est bien aidé dans ce virage dévastateur par des avocats qui se goinfrent avec indécence grâce à un système juridique qui a institué un véritable business de la séparation. Pourtant, au delà des apparences, ‘Mariage story’ ne verse jamais dans l’hystérie et la surenchère, de sorte que chacun pourra s’y reconnaître, même si le couple imaginé par Noah Baumbach évolue dans cet éternel petit milieu arty new-yorkais : l’histoire est inspirée de son propre divorce après tout. Baumbach traite la situation avec finesse et intelligence mais aussi avec une sensibilité qu’on ne lui connaissait pas, et parvient à offrir un regard sans parti pris : si l’incompréhension règne, les arguments sont recevables de part et d’autre, et le réalisateur se place à hauteur d’adultes, tour à tour honnêtes, brisés, compréhensifs ou de mauvaises foi, laissant l’enfant à son statut d’enjeu stratégique sans le gratifier de celui, trop facile, d’observateur silencieux et de juge au coeur innocent. La séparation est toujours un échec, une débâcle et un gouffre qui s’ouvre sous les pieds de ceux qui en sont partie prenante, sans oublier que ce qui était intime et personnel est voué à être transformé en arme de destruction massive publique : dans cet exercice pas évident à assumer uand on souhaite s’écarter des sentiers battus, Baumbach a su trouver les mots et le ton optimal pour en rendre compte.