En 2016, dans « Les Innocentes », film mémorable sur des religieuses bénédictines de Pologne violées par des soldats russes en 1945, Anne Fontaine avait confié à Lou de Laâge le rôle de Mathilde Beaulieu, jeune médecin de la Croix-Rouge qui se dévouait sans compter pour secourir les victimes d’abus. La même actrice reparaît aujourd’hui (après avoir obtenu d’autres rôles, bien sûr) dans ce nouveau film de la même réalisatrice, mais pour incarner un personnage aux antipodes du précédent. Car, cette fois-ci, comme l’indique le titre du film, elle est Blanche-Neige, mais une Blanche-Neige qui a pour ambition de séduire les adultes et non pas les enfants ! Une Blanche-Neige prénommée Claire qui découvre avec gourmandise le désir et dont ni le charme ni la beauté ne laissent grand monde indifférent !
Pour un rôle comme celui-là, il faut le dire, foin de l’hypocrisie, Lou de Laâge ne manque d’aucun atout. Sa grâce ne laisse pas de marbre, c’est le moins qu’on puisse dire ! Anne Fontaine s’amuse à réviser à sa guise le conte des Frères Grimm, donnant à la séduisante orpheline une belle-mère et marâtre prénommée Maud, plaisamment jouée par Isabelle Huppert, qui décide purement et simplement de l’éliminer. Or, après un kidnapping raté, c’est dans une forêt que se retrouve la belle Claire, précisément dans une maison où habitent deux frères jumeaux (Damien Bonnard) et un violoncelliste (Vincent Macaigne). D’autres hommes font petit à petit leur apparition : un libraire fantasque joué par Benoît Poelvoorde, son fils, un athlète et même le prêtre desservant le sanctuaire de La Salette (joué par Richard Fréchette) ! Sept en tout : autant d’hommes qu’il y a de nains dans le conte originel !
La ravissante Claire découvre donc le désir et les plaisirs de la chair avec plusieurs d’entre eux. Les scènes sont parfois amusantes, lorsque, par exemple, il y a méprise entre les jumeaux ou lorsque le libraire se révèle adepte d’un petit jeu déviant. Cela pourrait paraître très superficiel s’il n’y avait deux personnages singuliers ou, en tout cas, plus singuliers que les autres. D’abord le violoncelliste qui semble, lui, peu attiré par le charme de Claire mais avec qui cette dernière dépasse précisément ce qui n’est que désir. Lorsque, à l’occasion d’une des scènes les plus belles du film, tous deux, lui au violoncelle, elle au violon, jouent en duo une page musicale, c’est encore mieux, plus troublant et plus érotique que lorsque les corps se dénudent et s’étreignent. Et puis, il y a le personnage le plus étonnant du film, le prêtre ! Non, rassurons-nous, si besoin est, il n’y a pas de scène charnelle entre la belle Claire et lui, mais des dialogues (au sanctuaire même de La Salette) que j’ai trouvés du meilleur goût. Lorsque la ravissante jeune femme lui explique qu’elle vient de coucher avec plusieurs hommes, le prêtre avisé ne s’en effarouche nullement et fait preuve d’une indulgence qui m’a semblé, je dois le dire, non seulement opportune mais exemplaire. Malgré ses multiples aventures sexuelles, Claire, comme l’a bien perçu le prêtre, n’a pas vraiment souillé son cœur pur. Le cœur souillé, rongé de jalousie, il faut plutôt le chercher chez la marâtre, bien sûr ! Une femme qui bientôt ressurgit, tout obsédée par son désir de donner la mort ! La Vierge de La Salette, Celle qui pleure, pourrait bien elle-même s’en alarmer…
On le comprend, sous ses aspects qui peuvent paraître quelque peu désuets, ce film réserve d’agréables surprises et se révèle, en fin compte, bourré à la fois de malice, de subtilité et de charme.