Comment recommander Le Bal de l'Enfer sans devenir la cible de quolibets et autres procès en malhonnêteté ou sadisme ? Même en puisant le fond du fond de la bienveillance ordinaire, la mission donnerait à Ethan Hunt un sentiment de vertige existentiel face à l'impossible, le vrai impossible. On tente le coup ? Vous l'aurez voulu. Admettons que vous n'ayez jamais vu de film de votre vie, qui plus est dans le genre horrifique, alors il est peut-être envisageable que vous acceptiez un tel postulat dans un élan d'amnésie sélective de bon aloi. Parfois, on a juste envie de se payer une bonne frousse à peu de frais et sans se "prendre la tête" comme on dit. Un canevas plausible, une idée accrocheuse, après tout à quoi est-ce bien utile au cinéma ? C'est tellement plus pratique de mettre ses neurones en arrêt tout simplement.
Pour ses inspirations, Jessica M Thompson a jeté son dévolu sur Get Out et Wedding Nightmare. On se calme tout de suite, la réalisatrice n'a pas l'intention de s'en servir pour autre chose que le décorum. Ouf. Pendant la première heure, nous nous en tiendrons aux décors vaguement gothiques mais heureusement revus à la cosmétique javellisée bien de son époque. Il y aura des jump-scares, des mains surgissant de l'ombre, des bougies qui s'éteignent...Des choses que vous n'aurez jamais vu ailleurs sauf dans quelques centaines de films d'horreur réalisés entre les années 70 et aujourd'hui. Une peccadille.
En sus, les personnages sont finement dessinés. Un sympathique jeu de dupe se profile alors que les prestations subtiles contaminent notre matière grise (pourtant éteinte). Citons au hasard Thomas Doherty dont les apparitions soudaines et logiques - surtout au sortir d'une agression nocturne - ne sont égalées que par la tension sexuelle irrésistible et le charme innocent d'un idylle parfaitement évident avec notre chère Evie. Sean Pertwee fait montre d'un investissement irréprochable, visiblement emballé par les 2 pages de script réservées à son majordome. Difficile de ne pas évoquer Hugh Skinner, malice et sophistication furent indéniablement un sacerdoce pour traiter au mieux le cousin Oliver.
À la grâce d'un rebondissement inattendu (évidemment) en plein banquet, Le Bal de l'Enfer démarre les hostilités. Et de quelle façon, mes aïeux ! Ça pétille dans tous les coins : effets de flou, montage qui s'emballe, repères géographiques ou temporels chamboulés, prestations qui mutent en...euh...autre chose,...Un délice. Même Nathalie Emmanuel - pourtant timorée jusque-là - se joint à la fête. Grand bien lui en a pris. Le scénario habile permet à Evie de rejoindre la quantité non-négligeable d'héroïnes de slashers type Urban Legend, Souviens-toi l'Été Dernier ou Mortelle Saint-Valentin dont on félicite la profondeur et la sagacité. Enfin, le dernier acte assume un versant bien apprécié du public, en mixant buffet pour longues canines à vigilante movie. Que demander de plus ?
Il n'y a pas de mal à se faire du bien. Les manoirs lugubres, les types aux sourires carnassiers, les tentations copulatoires, les promesses trop faciles, et le renversement des rôles. Ah oui, on peut en faire des choses avec tout cela. Jessica M. Thompson et Blair Butler le font...à leur façon. Voilà. Gloire leur soit rendue : Le Bal de l'Enfer est bien positionné sur le podium des séances les plus...insolites de l'année 2022. Officieusement ? Une fois les lumières rallumées, faîtes en autant pour vos neurones et allez prendre l'air. Sinon, pour les frissons et le plaisir, rattrapez Xde Ti West quand il sortira.