Lee Miller : les secrets du tournage

Lee Miller est présenté en avant-première mondiale lors du Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre 2023, mais ne sort qu’un an plus tard en salles.

Lee Miller est un long-métrage consacré à Élizabeth "Lee" Miller, ex-mannequin devenue une photographe de guerre reconnue pour le magazine Vogue. Elle a été l’une des premières à témoigner de l’horreur des camps en se rendant avec l’armée américaine à Buchenwald et Dachau à leur libération en avril 1945.

Oubliée du grand public depuis plusieurs années, le nom de Lee Miller a refait surface ces derniers temps dans le film Civil War, dans lequel le personnage de Kirsten Dunst, reporter de guerre, est une grande admiratrice de la photographe.

C’est en 2015 que Kate Winslet entend le nom de Lee Miller pour la première fois. Passionnée par la cuisine, elle reçoit un appel d’un ami chercheur dans une maison de ventes aux enchères, qui lui parle d’une table ancienne de huit places ayant appartenue à Annie Penrose, la belle-sœur de Roland Penrose, époux de Lee Miller. L’actrice en fait l’acquisition et souhaite en savoir davantage sur la photographe. Fascinée par son parcours, Kate Winslet ne comprend pas pourquoi aucun biopic n’existe sur elle.

Elle contacte finalement Antony, le fils de Lee Miller et Roland Penrose pour lui parler du projet. Il lui montre des cartons plein de scénarios envoyés par des hommes à qui il n’a jamais répondu, jugeant qu’aucun n’est parvenu à comprendre sa mère. Par la suite, l’actrice a collaboré avec lui et a pu avoir accès à des archives rares pour comprendre les principaux enjeux de sa vie. Elle a mis huit ans avant de concrétiser son rêve.

Il a été très difficile pour Kate Winslet, également productrice du film, de trouver un réalisateur, tant elle a essuyé des refus et des remarques désobligeantes, comme elle le raconte au magazine Vogue en 2023 : "J’ai même eu un réalisateur qui m’a dit : ‘Écoute, tu fais mon film et je ferai en sorte que ton petit projet soit financé’. Petit ! Nous avons eu aussi de potentiels investisseurs masculins nous demandant : ‘Dites-moi, pourquoi dois-je apprécier cette femme ?’" Elle a finalement choisi Ellen Kuras, une célèbre directrice de la photographie que la comédienne a rencontrée en 2003 sur le tournage d’ Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry. Ellen Kuras signe avec Lee Miller son premier film de fiction en tant que réalisatrice.

Kate Winslet et sa co-productrice Kate Salomon n’ont pas souhaité faire un film retraçant la vie entière de Lee Miller, de sa naissance à sa mort. Elles s’intéressent ainsi à dix années charnières de sa vie au cours desquelles elle a été notamment correspondante pour Vogue durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour imbriquer tous les événements de sa vie durant cette période, les scénaristes Liz Hannah, Marion Hume et John Collee ont imaginé le personnage de Josh O’Connor, un journaliste qui interviewe Lee Miller à la fin de sa vie, permettant le flashback.

Le premier jour de tournage, Kate Winslet a violemment chuté sur le dos, lui causant trois hématomes sur la colonne vertébrale. Cette blessure l’a empêchée de répéter certaines scènes au cours desquelles elle devait apparaître seins nus ou en soutien-gorge : " Vous savez, j’ai dû être sacrément courageuse pour accepter d’exposer mon corps sans préparation, et de ne pas avoir exigé de tout cacher ! », relate-t-elle à Vogue en septembre 2023. Elle a eu ainsi du mal à se mouvoir, mais cela a servi son personnage car Lee Miller elle-même souffrait de problèmes de dos !

Après avoir obtenu l’accord d’Antony Penrose, le fils de Lee Miller, ce sont les véritables photographies de sa mère qui figurent dans le film. De même, le chef-costumier Michael O’Connor a eu l’opportunité d’avoir accès aux authentiques vêtements de la photographe et tout cela, de manière complètement hasardeuse. Il raconte : " C’est grâce à notre découverte inattendue de plusieurs cartons, chez Farley, qui étaient étiquetés ‘morceaux de tissus’ et qui, en réalité, contenaient plusieurs vêtements de Lee Miller !". En outre, des couturiers de Saville Row, une rue de Londres où Lee Miller faisait tailler son propre costume, ont reproduit son uniforme militaire à l’identique.

Parmi les acteurs américains de la distribution comme Andy Samberg, Alexander Skarsgård et Cecil Beaton, plusieurs actrices françaises figurent aussi au casting. La distribution comprend ainsi Marion Cotillard — que Kate Winslet a rencontré sur le tournage de Contagion de Steven Soderbergh en 2011— Zita Hanrot et Noémie Merlant.

Bien avant de choisir Ellen Kuras à la réalisation, Kate Winslet avait déjà la distribution en tête et a contacté chacun des acteurs directement. Tous ont donné leur accord deux ans avant le début du tournage et ne se sont pas désistés.

Pour reproduire le plus fidèlement possible les gestes de Lee Miller, Kate Winslet a consulté un spécialiste de Rolleiflex, l’appareil photo dont se servait la photographe. En outre, il était chargé avec une véritable pellicule argentique.

Chaque chef de poste a un lien particulier avec Kate Winslet, qu’il soit amical, comme la chef-décoratrice Gemma Jackson ou issu d’un ancien tournage, à l’image de la chef-coiffeuse et maquilleuse Ivana Primorac, rencontrée sur The Reader de Stephen Daldry, en 2008.

Le tournage a démarré à Kupari en Croatie en septembre 2022, et a duré neuf semaines. Ils y ont notamment repéré un hôtel délabré, détruit pendant la guerre de Yougoslavie dans les années 1990, et qui a servi de décor. Mais l’équipe a également tourné dans d’autres villes d’Europe : à Budapest, pour figurer les rues de Paris, l'appartement de Hitler, mais aussi dans une authentique base militaire pour tourner les scènes du camp de Dachau. À Londres, pour les bureaux de Vogue, mais aussi dans une villa du sud de la France.

Le premier jour de tournage était consacré à la scène d’ouverture, représentant Saint-Malo assiégé en 1944. C’est aussi ce jour-là que l’équipe a pu découvrir Kate Winslet sous les traits de Lee Miller, ce dont se souvient le directeur de la photographie, Pawel Edelman : " C’était stupéfiant de la voir dans son uniforme militaire, couverte de poussière, en train de mitrailler avec son Rolleiflex tandis que les balles sifflaient autour d’elle. En la voyant avec ses ongles et ses cheveux crasseux, en train de courir parmi les décombres et de prendre des photos tout en se faisant tirer dessus, j’ai tout de suite perçu le degré de réalisme qu’insufflait Kate à son rôle et son investissement total ". Une séquence qui a par ailleurs été tournée caméra à l’épaule, pour plus de réalisme.

La chef-décoratrice Gemma Jackson a retrouvé de véritables couvertures de l’époque du magazine Vogue qui étaient dessinées et peintes à la main et s’en est servie pour le décor du film.

La scène la plus complexe à tourner a été celle du camp de Dachau. Pawel Edelman a pris la décision de dessaturer les couleurs pour faire un effet noir et blanc, semblable aux photographies de Lee Miller. En outre, la séquence a été tournée avec une steadycam pour être au plus près des pas de la photographe autour des cadavres.