Ce grand dingo de Josef est de retour !
"Creep", premier du nom, était un de ces (t.très) rares found-footages à adopter ce format pour offrir une proposition qui ne ressemblait à aucune autre. Imprévisible et créant un malaise à la force exponentielle, le film épousait adroitement le caractère irrationnel de Josef, un homme atteint d'un cancer et ayant engagé par annonce un caméraman afin de laisser une trace vidéo à son fils à venir. "Creep" se servait du style à la première personne pour mieux nous immerger dans la condition de ce pauvre documentariste d'un jour, Aaron, témoin tout aussi lambda que désemparé des réactions aléatoires, abruptes et farfelues de Josef.
Le bain, Peachfuzz, une anecdote d'une gênance absolue, les "bouh" devant la caméra (qui étaient plus largement, un clin d'oeil d'une ironie brillante aux jumpscares stupides, habituels et très souvent utilisés par la boîte de production Blumhouse également derrière "Creep"), un dernier verre qui prenait des proportions démentes... Le film de Patrick Brice allait à contre-courant des canons habituels et distillait son ambiance de malaise palpable à travers un humour très grinçant en donnant l'impression au spectateur de ne jamais savoir sur quel pied danser devant Josef. L'empathie créée pour ce personnage atypique à travers sa maladie incurable s'entrechoquait en effet constamment à son comportement dont la bizarrerie de plus en plus radicale semblait traduire une part d'ombre plus menaçante. Et même, dès lors que l'on en savait plus sur sa véritable nature, son caractère demeurait une énigme avec ce grand écart entre ses apparentes intentions de grand enfant naïf et sa méticulosité à poursuivre un plan obscur. La conclusion de ce dernier avec l'incroyable scène du lac était d'ailleurs la meilleure représentation de cette dichotomie peu avarde en surprises...
L'épilogue du premier film avait néanmoins un peu plus levé le voile sur la réelle personnalité de Josef, peut-être même un peu trop, et on était en droit de se demander si "Creep 2" allait parvenir à conserver le côté surprenant qui faisait le charme de son prédécesseur.
Rassurez-vous, la scène d'introduction balaie nos doutes en quelques minutes et renoue brillamment aussi bien avec l'humour noir que le malaise du premier volet. Même un rictus de Mark Duplass (toujours co-scénariste, producteur et interprète) adressé à la caméra à travers son personnage semble dire au spectateur "pas d'inquiétude, cette suite sera aussi folle que le premier". Et, chose rare, elle le sera... mais différemment.
Cette fois, "Creep 2" suit la caméra d'une documentariste réalisant "Encounters", une websérie sur des personnes bizarres enfermées dans leur propre solitude. Évidemment, elle va trouver le meilleur sujet possible que l'on puisse imaginer lorsque sa route va croiser celle d'un grand foufou que l'on ne connaît que trop bien...
Mieux ne vaut pas trop en dire pour conserver le plaisir de la découverte -car, oui, "Creep 2" part toujours dans des directions aussi inattendues- mais sachez juste que la crise de la "quarantaine" (vous comprendrez les guillemets en voyant le film) brièvement évoquée par Josef dans le premier opus prend ici tout son sens et met même en lumière certains de ses précédents agissements. Sa nouvelle annonce pour rechercher un nouveau compagnon caméraman où est inscrit "si vous êtes fan d'Entretien avec un Vampire, c'est encore mieux" donne le ton, la confession vidéo sera cette fois radicalement différente et prendra parfaitement le contre-pied du premier "Creep" en nous dévoilant un Josef (aujourd'hui prénommé différemment toujours en clin d'oeil au premier film) décidé de se mettre à nu. De même, loin du pauvre caméraman peureux qui subissait les évènements dans "Creep", Sara, la documentariste, entamera une partie d'échecs passionnante avec le bonhomme, persuadée d'être en présence du sujet le plus fascinant qu'elle ait rencontré sans réellement être crédule de toutes ses affirmations.
Ce sera leur relation, le coeur imprévisible de "Creep 2", par cette capacité à partir dans tous les sens et à souvent desarçonner un Josef dont on ne sait plus s'il a vraiment la maîtrise des événements ou s'il ressent quelque chose d'inattendu pour cette femme qui n'a peur de rien. Les chemins inattendues de cette relation déboucheront sur un final une nouvelle fois très réussi mais qui arrivera peut-être un peu vite.
En effet, a contrario du premier film qui paraissait dense malgré tout, la courte durée de "Creep 2" se fait, elle, curieusement ressentir et nous laisse quelque part sur notre faim. On aurait aimé passer beaucoup plus de temps en compagnie de Josef et Sara, explorer un peu plus les méandres de leur curieuse fascination réciproque, il y a avait tellement de matière à explorer pour rendre la dernière partie encore bien plus impactante que l'on sortirait presque déçu de "Creep 2".
Bon, on y s'est particulièrement bien amusé mais une petite voix ne cesse de nous répéter que cette suite aurait pu même surpasser l'original. En l'état, ce n'est hélas pas le cas mais le plaisir de retrouver Mark Duplass dans ce rôle dans lequel il semble s'éclater reste incontestablement jubilatoire.
Et on attendra le déjà annoncé "Creep 3" de pied ferme rien que pour ça !