Lorsqu'on lui a proposé de l'adapter, Olivier Peyon n'avait pas lu le roman de Philippe Besson. Le cinéaste pensait alors qu’il s’agissait d'une simple histoire d'amour adolescent et ne voyait pas comment renouveler le genre. Il confie : "Quand j’ai lu le roman, j’ai trouvé cette histoire d’amour aussi magnifique que tragique, mais surtout j’ai totalement été séduit par l’autre partie du livre qui raconte la rencontre de Philippe Besson avec Lucas, le fils de son premier amour."
"Une phrase de Lucas a achevé de me convaincre : 'Vous auriez dû voir son regard. C’est à cet instant précis que j’ai eu la certitude que ça avait existé : mon père amoureux d’un garçon.' J’ai eu envie de raconter ce fils cherchant à briser les secrets de son père et à faire de cette rencontre l’axe principal de mon film. Le roman est plutôt tourné vers le passé, j’ai voulu privilégier le présent."
Adapter le livre de Philippe Besson a été un travail complexe dans la mesure où son écriture est très introspective (l’action est réduite au minimum) : dans le roman, la rencontre de l’écrivain et du fils sert au récit du passé. Pour en faire l’histoire principale, Olivier Peyon a dû dramatiser et construire un chemin propre à ces deux personnages. Le metteur en scène se rappelle :
"Mais si le processus a été long, il a été assez libre car Philippe m’a donné carte blanche : 'Les plus grandes trahisons font les meilleures adaptations', m’avait-il dit. C’est vrai que les codes littéraires et cinématographiques n’ont rien à voir – une phrase du roman peut nécessiter plusieurs scènes pour être racontée et, inversement, un regard sera plus parlant que deux pages de description."
"A ma demande, Philippe a lu plusieurs versions du scénario et m’a accompagné avec bienveillance et sans aucun interventionnisme. A l’arrivée, toutes mes trahisons d’écriture n’ont jamais eu d’autre but que de défendre l’esprit du roman. En voyant le film, un proche de Philippe m’a dit : 'C’est fou à quel point ton film n’est pas le livre, tout en l’étant totalement !'"
Pour Lucas, Olivier Peyon cherchait un jeune acteur solaire, moderne et bien dans son époque, mais qui soit aussi capable de gravité et de se confronter à ses démons : "Je voulais être subjugué par un comédien comme Stéphane Belcourt est subjugué face à Lucas. Personne ne me convenait... Jusqu’à ce que ma directrice de casting m’envoie une photo de Victor sans nom ni indication."
"En le voyant, j’ai pensé : « Mais évidemment ! ». Je l’avais rencontré dans un festival quelque temps auparavant. Il était rayonnant, profond, intelligent. Je me souviens avoir parlé avec lui pendant une heure avant de comprendre qu’il était le « petit-fils de »... C’est très étrange : tant que je ne le savais pas, je n’ai jamais pensé à 3 Jean-Paul Belmondo mais quand je l’ai su, je ne voyais plus que ça."
"C’est sûr que Victor tient de son grand-père mais, en même temps, il a son propre univers, quelque chose de très affirmé qui n’appartient qu’à lui. Il a été éblouissant aux essais et ça ne s’est jamais démenti durant tout le tournage."
Pour trouver les deux jeunes comédiens qui incarnent Stéphane et Thomas à 17 ans, Olivier Peyon a fait un très long casting : "Jérémy Gillet et Julien de Saint Jean avaient été très bons aux essais individuels, mais ils n’étaient pas les seuls. C’est surtout quand on les a fait jouer ensemble qu’ils ont tout emporté. Leur duo était une telle évidence."
Le roman est parfois cru et Olivier Peyon ne voulait pas l’édulcorer. Si la première scène est dépourvue de tendresse entre les deux personnages, le metteur en scène voulait ensuite aller vers plus de délicatesse et de joie, comme il l'explique : "Qu’on sente le désir du corps de l'autre, l'ivresse du plaisir."
"Quand ces deux garçons sont ensemble, plus rien d’autre n’existe. Je n'avais jamais tourné de scènes de sexe mais je sentais intimement que je saurais comment les filmer une fois les comédiens choisis. Je ressentais le besoin de m’appuyer sur leur énergie pour construire ma mise en scène."
"Mais le plus important a été de toujours associer Julien et Jérémy au processus, en leur expliquant ce que je voulais faire et pourquoi, en accueillant leurs propositions souvent formidables. La liberté que l’on ressent, je l’espère, dans ces scènes est née de cette confiance mutuelle."
Olivier Peyon a choisi de placer l’action du film dans le milieu du cognac. Le roman se déroule sur trois époques et dans trois lieux : Barbezieux (à 40 km de Cognac), Bordeaux et Paris. Comme le réalisateur voulait se concentrer sur le présent, il a décidé de resserrer l’action sur un week-end à Cognac. Il se souvient : "Restait à trouver le cadre qui résonne avec le sujet..."
"Dans le livre, une phrase apparemment anodine précise que les parents de Thomas sont viticulteurs pour le cognac. Je venais justement de faire un court documentaire pour les 250 ans d’Hennessy. J’avais passé du temps avec les gens que l’on voit dans le film : le personnel de la marque, les Américains... Je trouvais que ce milieu traduisait bien la vie de province décrite dans le livre."
"J'ai donc inventé le cognac Baussony, une marque plus modeste et familiale qu’Hennessy qui est leader mondial du marché, mais j’ai eu la chance qu’Hennessy accepte que nous tournions chez eux, dans leurs chais et même au château de Bagnolet – la demeure historique de la famille Hennessy, qu’ils n’avaient jamais ouverte à des caméras de cinéma."
"J’en ai profité pour faire jouer aux membres du personnel leur propre rôle : le guide, les ouvriers dans les chais, les majordomes, le mixologue. J’aime mélanger romanesque et réel pour qu’ils se nourrissent mutuellement. Sûrement ma veine documentaire qui ne peut s’empêcher de ressortir."