Le récit de Mignonnes adopte, comme dans Maman(s), le premier court métrage professionnel de Maimouna Doucouré, le point de vue d’une préadolescente. La réalisatrice explique : "Mon court et mon long métrage sont assez différents, mais ils ont en commun ce point de vue à hauteur d’enfant. J’aime dire aux spectateurs à qui je présente mon film que j’ai à cœur qu’ils puissent se mettre dans la peau d’une petite fille de onze ans le temps de la projection. Je souhaite qu’ils puissent sentir sa respiration, son pouls, son cœur qui bat. Je ne veux pas qu’on l’observe à distance ou qu’on la juge. C’est le défi émotionnel du film : créer un lien presque fusionnel entre le spectateur et mon personnage principal. Passer par le cœur pour atteindre l’esprit."
Après des études de Biologie, Maïmouna Doucouré se lance dans le cinéma suite à un concours de scénario qui lui permet de réaliser un premier film autoproduit. Elle écrit ensuite Maman(s), une histoire à hauteur d’enfant, avec un soupçon autobiographique. Produit par Bien ou Bien Productions, le film est sélectionné dans près de 200 festivals à travers le monde et remporte plus de 60 prix, dont le prix international au festival de Sundance, le grand prix au festival de Toronto ainsi que le César 2017 du meilleur court métrage.
Son premier long métrage, Mignonnes, aborde le thème de l’hypersexualisation des pré-adolescentes et reçoit en janvier 2020 le Prix de la Meilleure Réalisation au Festival de Sundance ainsi que la Mention Spéciale du Jury International à la Berlinale (Génération).
Pour trouver les cinq actrices principales, Tania Arana a entrepris un casting sauvage de six mois où elle a rencontré 700 petites filles. La directrice de casting a trouvé Fathia Youssouf, qui joue Amy, à la toute fin des recherches. Pour aider les comédiennes à trouver leur personnage, la réalisatrice Maimouna Doucouré a fait correspondre chacune des "mignonnes" à un animal donné : un chien pour Coumba, un ours très ancré au sol pour Jess, ou un serpent sensuel et prêt à mordre pour Angelica… Elle se rappelle :
"Pour Amy, au début du film, par exemple, je lui disais que son personnage était un chaton chétif, fragile, seul au monde, ce qui l’aidait à trouver une attitude et un regard courbés, délicats. Au fur et à mesure, je lui disais que ce chaton allait devenir un chat, puis qu’il allait se transformer en panthère noire. Cette méthode lui a permis de s’y retrouver dans les séquences, car nous ne tournions pas dans l’ordre. En outre, il y a eu un gros travail de préparation avec l’ensemble des actrices. Je leur ai beaucoup raconté l’histoire, car je ne donne jamais le scénario à mes acteurs enfants par peur de l’effet "récitation de poésie"."
Maïmouna Gueye qui jouait la mère dans Maman(s), incarne dans Mignonnes la maman d’Amy. Maimouna Doucouré raconte : "Elle est dotée d’une forte présence à l’image… C’est une actrice incroyable, puissante. J’étais heureuse de ce qu’elle m’avait donné dans Maman(s). C’est une actrice qui n’a pas d’ego, qui est totalement au service du réalisateur. Elle me fait une confiance aveugle, tout est fluide avec elle. Elle se donne corps et âme dans un rôle, c’est un vrai bonheur."
Les couleurs du film sont saillantes et accrochent l’œil du spectateur. Côté photographie, Maimouna Doucouré voulait une image en lien avec la représentation du monde que se fait son personnage principal. "Quand Amy est à l’extérieur avec ses copines, le monde est très coloré, solaire et lumineux. Et chez elle, les tonalités sont différentes et progressivement, l’image s’assombrit. Je voulais que les couloirs de l’appartement aient l’air de rétrécir au fur et à mesure du récit. Nous avons travaillé la lumière dans les intérieurs avec cette idée en tête. L’image est donc étroitement liée aux émotions et aux ressentis d’Amy", précise la cinéaste.
Le twerk, cette danse sensuelle faite de déhanchés provocants que pratiquent les jeunes filles de Mignonnes, crée un décalage avec leur corps en transition. Pour Maimouna Doucouré, la danse est en fait un prétexte pour filmer cet âge transitoire où le corps des jeunes filles se métamorphose et engendre de multiples questionnements (parfois aussi un rejet de sa propre image). Elle note :
"Bien sûr, ces très jeunes filles ne se rendent pas compte du message qu’elles renvoient en dansant et s’exposant ainsi. De mon point de vue, l’attitude provocante de certaines, qui ont l’air émancipé, est liée à un besoin d’amour. Les réseaux sociaux viennent compliquer la donne, car chaque « like » reçu engendre une décharge de dopamine et a contrario, l’absence de plébiscite suscite une baisse de l’estime de soi. Tout cela est préoccupant, et nous sommes tous impliqués par ces mécanismes aujourd’hui."